Risques et limites liés à l’introduction d’une alternative végétarienne en restauration scolaire

L’arrêté de septembre de 2011 fixant la norme de l’équilibre nutritionnel en restauration scolaire est sur le point d’être révisé. Tandis que le repas végétarien hebdomadaire est bel et bien acté par la loi Climat et Résilience, d’aucuns craignent que cette révision ne remette en cause la possibilité pour les collectivités de proposer un repas végétarien quotidien, actuellement en expérimentation. Mais serait-ce vraiment problématique ? Cette alternative végétarienne quotidienne n’est pas sans soulever plusieurs questions et limites, comme l’explique la nutritionniste Marie-Noëlle Haye dans une interview publiée dans Localtis, média de la Banque des territoires.

 En juillet 2021, la loi Climat et Résilience a instauré l’obligation du repas hebdomadaire végétarien en restauration scolaire. Cette nouveauté a obligé le Groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEMRCN) à revoir ces recommandations de 2015, tout en s’assurant que les enfants continuent à bénéficier de repas nutritionnellement équilibrés et intégrant toutes les composantes physiologiquement nécessaires. Pour Marie-Noëlle Haye, co-présidente du groupe de travail nutrition du Conseil national de la restauration collective (CNRC) et vice-présidente de l’Association nationale des directeurs de la restauration publique territoriale (Agores), la question n’est pas tant de parler de repas végétariens mais de diversification des sources de protéines. « L’un des objectifs des lois Egalim et Climat et Résilience est de faire baisser la consommation de viande tout en faisant en sorte que la viande proposée soit de meilleure qualité », rappelle-t-elle dans une interview publiée dans Localtis, média de la Banque des territoires.

« L’équilibre nutritionnel est de manger de tout en quantités raisonnables »

A l’heure où l’arrêté de septembre 2011 fixant la norme de l’équilibre nutritionnel en restauration scolaire est sur le point d’être révisé, que pense-t-elle de l’option végétarienne quotidienne, actuellement en expérimentation dans 200 communes ? Premier point, contrairement à un argument porté par certains élus dans une tribune publiée dans Le Monde fin février d’une part, et Greenpeace d’autre part, même si les mentalités évoluent, on ne peut pas vraiment parler d’attente sociétale lorsque seul 2,5 % de la population en France est végétarienne. Et de pointer que, « avec l’instauration du menu végétarien hebdomadaire, la consommation de viande et de poisson a déjà été réduite de 20% ; c’est une petite révolution qui nécessite du temps pour être totalement intégrée ».

Deuxièmement, « l’équilibre nutritionnel est de manger de tout en quantités raisonnables. Je pense que c’est indispensable de manger de la viande et du poisson. C’est bien aussi d’en manger moins et c’est très bien de végétaliser son alimentation, c’est simplement une question de proportion pour définir ce qu’est une alimentation favorable à la santé et durable », explique la nutritionniste.

 Un risque de carences en micronutriments à ne pas négliger

Ainsi, il y a pour elle un risque non négligeable de créer des carences nutritionnelles, notamment en micronutriments (fer héminique, iode, zinc, acides gras essentiels, etc.), en excluant totalement une composante clé que sont les produits carnés du régime alimentaire des enfants qui ont des besoins particulièrement importants du fait de leur croissance. Et de développer : « Pour les écoliers de 3 ans à 10 ans, les inscriptions à la cantine sont faites par les parents qui vont cocher éventuellement la case « végétarien ». La conséquence pour l’enfant dont les parents auront fait ce choix, c’est qu’il va manger pendant plusieurs semaines des repas sans viande et sans poisson. Pour les enfants issus de quartiers défavorisés, c’est probablement leur seule source de viande ou de poisson, qui plus est, avec l’inflation actuelle des denrées alimentaires. Sachant que le poisson n’est pas beaucoup apprécié, on risque vraiment de voir apparaître des déficits en Oméga-6, en Oméga-3, en iode etc. (…) Je suis donc favorable à la nuance et à la diversité. »

 Des limites techniques et pratiques

Elle soulève par ailleurs un point technique, loin d’être négligeable : la possibilité matérielle (dimensionnement et équipements des cuisines) et humaine (personnel formé en nombre suffisant) à produire à la fois des menus à base de viande et de poisson et une alternative végétarienne cuisinée. Une solution serait que le personnel de restauration se tourne vers des produits issus de l’industrie agroalimentaire. Se pose alors le problème de l’ultra-transformation des alternatives végétariennes riches en protéines. Sans oublier la question de la diversité : sans viande ni poissons, mais on cuisine quoi ? « Les enfants connaissent les lentilles, les haricots blancs, les flageolets, les pois chiches… En restauration collective nous avons à cœur d’éduquer au goût nos convives petits et grands mais en leur proposant quotidiennement ces mêmes plats, nous risquons de les lasser. Par ailleurs, il faut tenir compte du principe de précaution sur la fréquence de service des produits à base de soja (NDLR : par rapport aux quantités de phyto-oestrogènes). »

Ainsi, derrière une volonté d’ouverture des uns et de liberté de chacun à bénéficier d’une alimentation en accord avec ses convictions apparaît en réalité une vraie complexité et un risque réel de compromettre l’équilibre nutritionnel des enfants. Donc prudence…

Pour en savoir plus : Menus végétariens en restauration scolaire : « Je suis favorable à la nuance et à la diversité »

Source : Banque des territoires

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