Des chercheurs questionnent certaines hypothèses de calcul des risques liées à la consommation de viande rouge (TRADUCTION)

En réponse à la publication du Global Burden of Disease (GBD) 2019 – une étude estimant les risques de maladies chroniques liés, entre autres facteurs, à la consommation de viande rouge – des chercheurs du World Cancer Research Fund (WCRF) regrettent le manque de transparence quant à la méthode employée et questionnent en conséquence les estimations réalisées. En particulier, le choix d’une consommation nulle de viande rouge dans les modèles de calcul afin de réduire au maximum les risques de maladies est remis en question. D’autant qu’aucun organisme de santé n’a jamais énoncé de telles préconisations et que la viande rouge constitue une source importante de nutriments.

 Les études du Global Burden of Disease (GBD) font périodiquement le point sur les effets respectifs des différents facteurs de risque connus pour jouer un rôle dans la survenue de maladies chroniques. En particulier, elles estiment le nombre de décès et d’années de vie en bonne santé perdues au niveau mondial (ces deux indicateurs donnant la « charge » de maladies, ou burden en anglais) en lien avec chacun de ces facteurs.

Les estimations au sujet de la viande rouge réalisées dans le cadre du GBD 2019 et publiées dans un article du Lancet[1] font l’objet d’un débat dont les arguments et contre-arguments se succèdent les uns après les autres dans ce même journal. La dernière contribution en date, intitulée « Hypothèses troublantes dans le GBD 2019 sur les risques de la viande rouge pour la santé » émane de chercheurs du World Cancer Research Fund (WCRF) et de l’Academy of Nutrition Sciences au Royaume-Uni.

« Nous nous faisons l’écho des compliments d’Alice Stanton et de ses collègues [1] à l’étude Global Burden of Diseases, Injuries, and Risk Factors Study (GBD) 2019. Nous soutenons également l’appel de Stanton et de ses collègues en faveur d’une clarification, d’une justification ou d’un réexamen du niveau d’exposition de risque minimum théorique de zéro pour la viande rouge non transformée sélectionné par le GBD dans ses dernières estimations. Non seulement l’augmentation de la charge de maladie estimée semble peu plausible, mais le manque de transparence des hypothèses sous-jacentes aux calculs discrédite les estimations du GBD.

Lorsque les hypothèses utilisées dans une étude ne sont pas clairement énoncées et expliquées, les résultats deviennent discutables et leur reproduction difficile. Les estimations d’évitabilité[2] sont extrêmement dépendantes de leurs hypothèses sous-jacentes, comme le soulignent les discussions autour des méthodologies de fraction attribuable en population[3] [2, 3]. En outre, le manque de clarté de ces hypothèses peut réduire leur utilisation dans le cadre de l’élaboration des politiques.

Depuis plus de 20 ans, le World Cancer Research Fund (WCRF) est à la pointe de l’exploration des relations entre l’alimentation, la nutrition, l’activité physique et le cancer. Après avoir examiné les preuves relatives à la viande rouge non transformée, nous avons conclu que la viande rouge et la viande transformée contribuent de manière causale au développement du cancer colorectal. Néanmoins, ni le WCRF ni d’autres organisations internationales ne recommandent d’éviter complètement la viande. Dans de nombreux régimes alimentaires dans le monde, la viande rouge est une source importante de plusieurs nutriments [4]. Supprimer la viande de ces régimes n’est ni pratique ni réaliste, et comporte un risque de carence nutritionnelle jugé plus important que le risque de cancer futur [5, 6]. L’absence de justification explicite des hypothèses qui sous-tendent les estimations du GBD est gênante, non étayée par les preuves et irréaliste. »

[1] Stanton AV, Leroy F, Elliott C, Mann N, Wall P, De Smet S. 36-fold higher estimate of deaths attributable to red meat intake in GBD 2019: is this reliable? Lancet. 2022; 399: e23-e26.

[2] Levine B. What does the population attributable fraction mean? Prev Chronic Dis. 2007; 4: A14.

[3] Azadnajafabad S, Karimian M, Roshani S et al. Population attributable fraction estimates of cardiovascular diseases in different levels of plasma total cholesterol in a large-scale cross-sectional study: a focus on prevention strategies and treatment coverage. J Diabetes Metab Disord. 2020; 19: 1453-1463.

[4] Klurfeld DM. What is the role of meat in a healthy diet? Anim Front. 2018; 8: 5-10.

[5] Knuppel A Papier K Fensom GK et al. Meat intake and cancer risk: prospective analyses in UK Biobank. Int J Epidemiol. 2020; 49: 1540-1552.

[6] World Cancer Research Fund / American Institute for Cancer Research. Diet, nutrition, physical activity and cancer: a global perspective: a summary of the third expert report. Date: Oct 13, 2021.

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Source : Gordon-Dseagu VLZ, Wiseman MJ, Allen K, Buttriss J, Williams C. Troubling assumptions behind GBD 2019 on the health risks of red meat. Lancet. 2022 Aug 6;400(10350):427-428. doi: 10.1016/S0140-6736(22)01283-1.

[1] GBD 2019 Risk Factors Collaborators. Global burden of 87 risk factors in 204 countries and territories, 1990-2019: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2019. Lancet. 2020 Oct 17; 396(10258):1223-1249. doi: 10.1016/S0140-6736(20)30752-2.

[2] Le GBD estime les décès et le nombre d’années de vie perdues à cause des maladies considérées si l’exposition aux facteur de risques considérées était réduite

[3] Estimation des proportions des décès et années de vie en bonne santé perdues sous l’effet d’un facteur de risque

[1] GBD 2019 Risk Factors Collaborators. Global burden of 87 risk factors in 204 countries and territories, 1990-2019: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2019. Lancet. 2020 Oct 17; 396(10258):1223-1249. doi: 10.1016/S0140-6736(20)30752-2.

[2] Le GBD estime les décès et le nombre d’années de vie perdues à cause des maladies considérées si l’exposition aux facteur de risques considérées était réduite

[3] Estimation des proportions des décès et années de vie en bonne santé perdues sous l’effet d’un facteur de risque

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