Alimentation durable, affichage environnemental et produits de l’élevage : un enjeu de méthodes (Article d’analyse)

La viande est souvent présentée comme un produit à écarter d’une alimentation plus durable. Pourtant, la place qui lui est donnée dans les régimes vertueux dépend largement de la méthode choisie. Un webinaire de l’AFZ (Association Française de Zootechnie), 3e volet d’une série consacrée à l’évaluation environnementale des filières d’élevage, proposait le 23 septembre 2021 une série d’interventions pour tenter d’y voir plus clair.

La question de la méthode d’évaluation environnementale des aliments est centrale quand il s’agit d’orienter les consommateurs vers une alimentation plus durable. Débattue et examinée depuis plus de 10 ans dans les instances scientifiques comme réglementaires, elle revient en force sur le devant de la scène avec l’article 15 de la loi AGEC (Anti-Gaspillage et Economie Circulaire) renforcé depuis par la Loi Climat. Un affichage environnemental doit ainsi se développer sur les produits de consommation avec l’objectif de le rendre à terme obligatoire. Le secteur alimentaire a fait l’objet d’une première expérimentation courant 2021. L’Association française de Zootechnie (AFZ) propose de revenir sur les premiers enseignements de ces travaux avec l’idée d’en mesurer les enjeux pour les filières animales.

Une volonté gouvernementale d’encadrer l’affichage

Disposer d’une information fiable et compréhensible pour faire des choix vertueux en matière d’alimentation : c’est une attente forte des citoyens, ré-exprimée à l’occasion de la Convention Citoyenne pour le Climat et c’est aussi un objectif pour le MTES (Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire). Valérie To, en charge du projet pour le ministère, rappelle en effet que 17 à 24 % de l’impact carbone des ménages provient de l’alimentation. Devant l’émergence d’initiatives privées (notamment l’Ecoscore conçu et diffusé par Yuka et Openfoodfact entre autres), il s’agit pour le gouvernement d’encadrer les allégations pour en garantir la pertinence. L’affichage devra ainsi intégrer l’ensemble des impacts environnementaux sur tout le cycle de vie du produit y compris les impacts positifs, comme le précise la loi Climat. « Cet affichage devra également être cohérent avec les politiques climat, biodiversité et alimentation, ainsi qu’avec les dispositifs existants au niveau européen », rappelle Valérie To. C’est toute cette complexité qu’a dû embrasser l’expérimentation de quelques mois pilotée par l’ADEME courant 2021 et embarquant une vingtaine de projets.

Des expérimentations challengeuses

Les dispositifs actuels, dont l’Ecoscore, basés sur l’Analyse de Cycle de Vie (ACV), comportent de nombreuses faiblesses et limites et conduisent notamment à une très mauvaise notation des produits issus de l’élevage herbivore et des systèmes les plus extensifs (voir article « Intérêts et limites de l’Analyse de Cycle de Vie pour fournir une information environnementale sur les produits de l’élevage herbivore »). C’est pourquoi Interbev d’une part et l’ITAB (Institut Technique de l’Agriculture et de l’Alimentation Biologique) d’autre part se sont engagés dans l’expérimentation pour contribuer à l’amélioration de la méthode. Leurs travaux visent justement à prendre en compte l’ensemble des critères environnementaux importants. Interbev a ainsi pu démontrer que l’intégration du critère biodiversité et du stockage de carbone avec des pondérations équivalentes à celle du climat, rebattait complètement la hiérarchie des aliments. L’ITAB entouré d’un consortium d’acteurs des filières bio, de chercheurs et d’ONG est allé jusqu’à une proposition d’un format d’affichage sur le produit, le Planet-score, validé par test consommateur, avec une note agrégée et trois sous-notes portant sur le climat, la biodiversité et l’usage de produits phytosanitaires, en intégrant des composantes ACV mais aussi des patchs correctifs importants. Si l’on compare les dispositifs, le steak de viande bovine issu d’un système 100 % herbager qui obtient une note D ou E d’après l’Ecoscore, obtient une note B avec le Planet-score. D’où l’importance d’améliorer la représentativité de cette information environnementale, afin de ne pas livrer une vision tronquée de l’impact environnemental des produits alimentaires, quels qu’ils soient.

Des controverses scientifiques et paradoxes à résoudre

De multiples questions et autres sujets à controverses ont également été abordées lors de ce webinaire. Parmi ceux-ci, le poids à accorder au méthane dans l’impact climat des produits : 36 équivalents CO2 comme actuellement utilisé dans l’ACV ou 8 équivalents CO2 comme recommandé par l’IDDRI ou l’université d’Oxford et testé dans le cadre du Planetscore pour tenir compte de sa faible durée de vie dans l’atmosphère ? Comment intégrer le stockage de carbone ? Doit-on compter les prairies permanentes de la même façon que les terres arables dans l’indicateur « usage des sols » quand on sait que les premières ne peuvent être qu’herbagères ? Pourquoi le soja brésilien est-il mieux noté que le soja français dans Agribalyse ? Pourquoi dans la même base, le plastique issu directement du pétrole est-il mieux noté que le carton ? Comment intégrer l’usage des antibiotiques, des additifs ou des phytosanitaires ? Comment prendre en compte les potentiels productifs différents des territoires agricoles ? Autant de questions qui nécessitent d’être adressées avant d’orienter les choix des consommateurs car les différentes options donnent évidemment des résultats très contrastés sur les produits, dont les viandes rouges mais pas que…

Agroécologie et nutrition, deux objectifs à garder à l’esprit

Sabine Bonnot de l’ITAB souligne également la nécessité de choisir une méthode cohérente avec la vision de la transition agroécologique que l’on veut porter, comme l’examine une étude de l’IDDRI récemment publiée (voir article « Affichage environnemental : quelle vision politique derrière les outils ? »).

Enfin, au-delà de la qualité environnementale des aliments et des régimes, il ne faut pas omettre de considérer leur qualité nutritionnelle. Nicole Darmon d’INRAE y travaille depuis plus d’une dizaine d’années. Là encore, des questions méthodologiques importantes se posent. Quelle que soit l’approche, ses conclusions sont de réduire le ratio animal/végétal et d’avoir une alimentation « diversifiée, frugale et flexitarienne ».

 

Source :  AFZ.

 

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