Des experts demandent un arrêt de la limitation des graisses saturées aux États-Unis (Article de synthèse)

Fin février 2020, le groupe The Nutrition Coalition* a adressé une lettre au ministère de l’Agriculture américain. Les experts pointent la limitation des apports en acides gras saturés qui, selon eux, ne seraient plus scientifiquement justifiées. Une demande qui intervient alors que les recommandations alimentaires américaines doivent être réactualisées d’ici mai 2020.

Dans une lettre datée du 25 février 2020, le groupe The Nutrition Coalition (TNC)* demande au ministère de l’Agriculture américain (USDA) d’ « envisager sérieusement et immédiatement de lever les limites imposées à la consommation de graisses saturées pour les prochaines Dietary Guidelines for Americans (DGA)** », qui doivent paraître en mai 2020.

Une limitation infondée ?

Depuis leur introduction en 1980, les DGA exhortent les Américains à suivre un régime alimentaire « pauvre en graisses saturées« . En 2005, la DGA a ajouté une limite spécifique de 10 % des apports caloriques provenant de ces graisses ; une recommandation qui perdure depuis lors.

Cet objectif de réduction de la consommation de graisses saturées repose principalement sur son effet sur la réduction du taux de cholestérol-LDL dans le sang, associé au risque de maladie cardiaque. Cependant, on sait maintenant qu’il existe plusieurs types de LDL-cholestérol et que, chez la majorité des individus, la réduction des acides gras saturés alimentaires ne fait pas baisser le type de LDL le plus fortement associé au risque cardiaque (LDL petites et denses). Un apport scientifique qui aide à expliquer pourquoi la littérature (études d’observation, essais contrôlés randomisés et méta-analyses) ne parvient pas à montrer qu’une réduction de la consommation de graisses saturées fait baisser la mortalité cardiovasculaire.

Janet King, docteur en médecine, présidente du comité consultatif sur les recommandations alimentaires 2005 (Dietary Guidelines Advisory Committee, DGAC) et professeur au département de Toxicologie et Sciences nutritionnelles à l’université de Berkeley (Californie), pointe ce manque :  « Il n’existe pas de preuve que les limites supérieures actuelles de graisses saturées consommées couramment par la population aux États-Unis permettent de prévenir les maladies cardiovasculaires ou réduire la mortalité ».

Un changement d’approche prôné pour les DGA 2020

Depuis une dizaine d’années déjà, les scientifiques du domaine s’accordent « sur la nécessité d‘une distinction entre les différents AGS compte-tenu de leur impact très variable sur le métabolisme lipidique et potentiellement sur la santé », comme le souligne, en France, le rapport d’expertise collective de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sur l’Actualisation des apports nutritionnels conseillés en acides gras en 2011 (voir encadré).

En outre, les experts internationaux de TNC mentionnent l’importance de considérer la matrice alimentaire dans son ensemble, puisqu’il est désormais admis que l’impact des nutriments sur la santé dépend :

  • du régime alimentaire global,
  • du type et du degré de transformation subi par les aliments,
  • sans oublier des facteurs propres à l’individu, tels que sa santé métabolique et sa propension à la maladie.

Ils soulignent ainsi que « certains aliments, tels que le chocolat noir, les produits laitiers entiers et les morceaux gras de viande non transformée, ont une teneur relativement élevée en graisses saturées mais ne présentent aucun lien avec un risque cardiovasculaire accru ».

Par conséquent, selon le Pr Arne Astrup, l’un des deux co-présidents du groupe de travail de TNC et chef du département Nutrition, Exercice et Sport à l’université de Copenhague (Danemark), « l’approche consistant à considérer les graisses saturées comme un seul groupe et à prédire les effets sur la santé des différents aliments, repas et régimes alimentaires en se basant sur la teneur totale en graisses saturées risque de conduire à des conclusions erronées ». Et d’ajouter : « Les futures recommandations devraient s’éloigner d’une stratégie analytique basée sur les nutriments pour s’orienter vers une approche basée sur l’alimentation. Nous espérons que ces considérations seront prises en compte avant la publication du rapport scientifique du DGAC en mai. »

Le DGAC 2020 avait déclaré qu’il mettrait à jour les recommandations pour les acides gras saturés (AGS). Tout porte donc à croire que ces experts devraient être entendus.

 

Rappel sur les recommandations relatives aux acides gras saturés en France 

L’Actualisation des apports nutritionnels conseillés (ANC) en acides gras coordonnée par l’Anses et publiée en 2011 a permis de prendre en compte deux éléments essentiels concernant les acides gras saturés (AGS), non seulement la part des AGS totaux dans l‘apport énergétique, mais aussi une distinction des différents AGS. Il était donc nécessaire de considérer l’effet possiblement délétère, notamment athérogène, de certains AGS comme l’acide palmitique (C16:0) quand ils sont consommés à des niveaux d‘apport élevés, sans oublier l’absence d‘effet délétère (et l’existence d’effets bénéfiques potentiels) d‘autres AGS, notamment ceux à chaînes courtes et moyennes ou encore l’acide stéarique (C18:0). Ainsi, pour un adulte consommant 2 000 kcal/j, l’apport en AGS totaux ne doit pas dépasser 12 % de l’apport énergique total (AET) ; les acides laurique, myristique et palmitique ne devant pas dépasser 8 % de l’AET.

* The Nutrition Coalition (TNC) est une organisation éducative non partisane à but non lucratif veillant à ce que la politique nutritionnelle des États-Unis repose sur des preuves scientifiques rigoureuses.

** Dietary Guidelines for Americans (DGA) : recommandations alimentaires pour les Américains.

Source : The Nutrition Coalition

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