Viande et cancer colorectal : des résultats de méta-analyses faussés et des risques surestimés (TRADUCTION)

Les études d’observation sur les aliments et leur relation avec la santé sont connues pour être susceptibles d’être biaisées. La présente étude illustre ce phénomène en prenant l’exemple des études évaluant les relations entre la consommation de viande – rouge ou transformée – et le cancer colorectal. Ses résultats montrent que les hypothèses de modélisation, ainsi que la prise en compte des grands consommateurs dans les modèles, surestiment le risque pour les petits consommateurs. Les auteurs remettent donc en cause la limite d’absence de risque fixée à 0 g/jour pour les apports en viande rouge et transformée dans certaines études comme celle du Global Burden of Disease (GBD) en 2019.

 Les études d’observation sur les aliments et leur relation avec la santé sont connues pour être susceptibles d’être biaisées, notamment en raison de la confusion entre le régime alimentaire et d’autres facteurs liés au mode de vie. Il existe notamment des méthodes courantes pour dévier les relations entre méta-analyses dose-réponse (DRMA) pouvant contribuer à des estimations biaisées ou exagérées du risque. Cette étude avait pour but d’utiliser des modèles DRMA pour évaluer les preuves empiriques de l’association entre le cancer colorectal et la consommation de viande rouge non transformée (VR) et de viande transformée (VT), ainsi que la cohérence de cette association pour les petits et grands consommateurs, selon différentes hypothèses de modélisation.

Plus de 50 cohortes prises en compte au total pour les viandes rouge et transformée

À partir des examens systématiques du projet Global Burden of Disease (GBD), les auteurs ont compilé un ensemble de données d’études pour les VT, avec 29 cohortes contribuant à plus de 23 millions d’années-personnes, et de 23 cohortes pour les VR, totalisant plus de 17 millions d’années-personnes. Les chercheurs ont ajusté les modèles DRMA uniquement aux petits consommateurs (consommation inférieure à la médiane américaine de VT (21 g/jour) ou de VR (56 g/jour)) et les ont comparés aux modèles DRMA utilisant l’ensemble de la population étudiée pour chaque catégorie de viande. Par ailleurs, pour étudier l’impact de la sélection des modèles, ils ont comparé les modèles DRMA classiques à une méthode empirique pour les petits consommateurs, d’une part, et pour tous les consommateurs, d’autre part. Enfin, ils ont inclus le type de consommateur de référence (non-consommateur ou mixte consommateur/non-consommateur) en tant que co-variable dans une méta-analyse multivariée pour le groupe des plus petits consommateurs.

0 g/j de viande rouge et transformée, une limite incompatible avec les données disponibles

Chez les petits consommateurs, les résultats n’indiquent aucune association positive significative entre les consommations de VR (RR à 50 g/jour = 1,04 (0,99-1,10)) ou de VT (RR à 20 g/jour = 1,01 (0,87-1,18)) et le cancer colorectal, quel que soit le type de modèle DRMA. Seule la prise en compte de la gamme complète de consommation, incluant les grands consommateurs, a donné lieu à une association avec le cancer colorectal, avec une dose-réponse empirique présentant des relations non linéaires et non monotones, de sorte qu’aucun lien significatif n’a été trouvé.

Ses résultats montrent que la surestimation du risque à faible consommation peut résulter d’hypothèses de modélisation et de l’influence de quantités de consommation plus élevées. Ils indiquent également qu’une limite d’absence de risque de 0 g/jour de consommation de viande rouge et transformée est incompatible avec les données disponibles.

Référence : Pouzou JG, Zagmutt FJ. Observational Dose-Response Meta-Analysis Methods May Bias Risk Estimates at Low Consumption Levels: The Case of Meat and Colorectal Cancer. Advances in Nutrition. 2024 March 21, 100214 (PDF en libre accès)

Source : Advances in Nutrition

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