Une revue scientifique fait le point sur les relations entre alimentation, nutrition et cancer colorectal (Article de synthèse)

Grâce aux campagnes de dépistage, l’incidence et la mortalité par cancer colorectal ont diminué au cours des dernières années, sauf pour la catégorie des moins de 50 ans, où le constat est inverse et tend à devenir alarmant. Incriminée, la nutrition fait l’objet de nombreuses recherches. Jouerait-elle un rôle causal ou protecteur dans le développement de ce cancer ? Tour d’horizon des connaissances actuelles dans une revue de synthèse publiée récemment dans Nutrients.

Aux États-Unis, le cancer colorectal est le troisième cancer le plus fréquemment diagnostiqué. Alors que l’incidence du cancer colorectal diminue dans toutes les régions, K. Thanikachalam et G. Khan, chercheurs au département d’oncologie du Henry Ford Health System à Detroit, ont constaté une augmentation notable de 2 % du nombre de patients de moins de 50 ans diagnostiqués pour ce cancer. Et les projections concernant les incidences du cancer du colon et du cancer rectal sont plutôt sombres puisqu’elles prévoient une augmentation respectivement de 90 % et de 124,2 % d’ici 2030 pour les patients âgés de 20 à 34 ans. (1)

De nombreux facteurs semblent associés à l’augmentation du risque de cancer colorectal

Les facteurs environnementaux et génétiques jouent un rôle majeur dans la pathogenèse du cancer du côlon. Le syndrome de Lynch et la polypose adénomateuse familiale contribuent à la grande majorité des cancers colorectaux héréditaires, mais ceux-ci ne représentent que 5 % de l’incidence totale du cancer colorectal (2), rappellent les auteurs.

Parmi les autres associations bien connues avec le cancer colorectal (CRC), les auteurs citent l’ethnie afro-américaine, les maladies inflammatoires de l’intestin, l’obésité, la sédentarité, le tabagisme, la consommation d’alcool, des antécédents de radiations abdominales, l’acromégalie, la greffe de rein avec l’utilisation de médicaments immunosuppresseurs, le diabète de type 2, un traitement anti-androgénique, une cholécystectomie, une maladie de l’artère coronaire, une anastomose urétéro-colique, et la consommation élevée de viande rouge et de viande transformée (2).

Sur ce dernier point, les auteurs ont dressé la liste des principales études épidémiologiques portant sur l’association de consommations élevées de viande rouge avec la survenue de CRC. La majorité des études qui concluent à une association positive entre ces deux critères sont des études observationnelles ; un seul essai randomisé contrôlé (3) est reporté dans cette liste et livre une conclusion inverse : aucune association entre consommation de viande rouge et CRC, la mise en place d’un régime alimentaire faible en graisses n’ayant pas réduit le risque de CRC chez les femmes ménopausées, sur une durée de suivi de huit ans.

Un besoin de méta-analyses

Les auteurs soulignent que les méta-analyses sont nécessaires pour affiner et/ou nuancer les conclusions d’études observationnelles, comme dans le cas de la consommation d’alcool qui reste associée à la mortalité liée au CRC, mais de façon « modestement positive » et « pour une consommation supérieure à 50 g/jour », ou dans le cas de l’obésité, où l’association avec le CRC est davantage vérifiée « pour les femmes que pour les hommes ». Le microbiote intestinal interviendrait aussi dans la pathogenèse du CRC. La présence de bactéries pro-inflammatoires stimulerait une réponse inflammatoire locale et pourrait supprimer les réactions du système immunitaire, indiquent les auteurs, en plus de favoriser épigénétiquement l’apparition d’un CRC de type microsatellite instable.

Les facteurs protecteurs contre le cancer colorectal

Les auteurs ont ensuite recensé les facteurs protecteurs associés à une diminution de l’incidence du CRC. Ils comprennent notamment une activité physique régulière, un régime riche en fruits et légumes, fibres, folates, calcium et produits laitiers, en vitamine D (chez les femmes), en vitamine B6, un apport régulier en magnésium, une consommation régulière de poisson et d’ail, et l’utilisation régulière de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens. Cependant, les résultats restent à considérer avec précaution. Concernant le rôle des fibres par exemple, alors que plusieurs études épidémiologiques ont suggéré une relation inverse entre les adénomes colorectaux et les carcinomes grâce à les apports en fibres, deux études prospectives et trois essais cliniques randomisés contrôlés ont échoué à démontrer le bénéfice protecteur des fibres contre le CRC. Seule, une méta-analyse a montré que la consommation de fibres de céréales et les graines entières induirait un bénéfice contre la survenue du CRC.

Les auteurs concluent en soulignant l’importance de la mise en place d’essais randomisés contrôlés à l’avenir, qui démontrent de réelles relations de cause à effet, afin de définir plus précisément les facteurs de risque pouvant jouer un rôle préventif et pronostique dans le cancer colorectal.

Références :

(1)   Thanikachalam, K.; Khan, G. Colorectal Cancer and NutritionNutrients. 2019 Jan 14;11(1). pii: E164. doi: 10.3390/nu11010164. Available online, accessed on 24 December 2018.

(2)   Finlay, A.; Macrae, R.M.G.; Seres, D.; Savarese, D.M.F. Colorectal Cancer : Epidemiology, Risk Factors, and Protective Factors. Available online, accessed on 24 December 2018.

(3)   Beresford, S.A.; Johnson, K.C.; Ritenbaugh, C.; Lasser, N.L.; Snetselaar, L.G.; Black, H.R.; Anderson, G.L.; Assaf, A.R.; Bassford, T.; Bowen, D.; et al. Low-fat dietary pattern and risk of colorectal cancer: The Women’s Health Initiative Randomized Controlled Dietary Modification Trial. JAMA 2006, 295, 643–654.

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