Rôle du fer héminique provenant de la viande rouge et des viandes transformées dans la pathogenèse du cancer colorectal

Une revue bibliographique résume le mécanisme impliqué dans la relation entre la carcinogenèse colorectale et le fer héminique contenu dans la viande rouge et la viande transformée. Après avoir rappelé les études montrant une association entre la consommation de viande rouge (et produits dérivés) et l’augmentation du risque de cancer colorectal, ainsi que les conclusions du CIRC/OMS, les auteurs reprennent les études publiées (87 sur 114 identifiées) sur les mécanismes probables impliqués dans cette relation.

Fer héminique et cancérogenèse

Ils indiquent que le fer hémique des viandes rouges et de ses produits dérivés, ainsi que ses métabolites, lorsqu’ils sont consommés en excès, semblent influencer plusieurs étapes de la cancérogenèse : l’initiation, la différenciation et la progression, via un grand nombre de mécanismes possibles.

  • Le fer héminique induirait une cytotoxicité via un « facteur hème cytotoxique » et favorise l’apoptose des cellules épithéliales de surface et l’hyperplasie épithéliale compensatoire.
  • Il induirait également la peroxydation des lipides, conduisant à la formation de radicaux libres et à la génération d’adduits d’ADN dans les cellules épithéliales colorectales.
  • L’hème catalyse la formation des composés N-nitrosés, qui entraîne à son tour l’initiation de la carcinogenèse colorectale.
  • De nouvelles données suggèrent aussi que la dysbiose intestinale, récemment associée à un plus grand risque de cancer colorectal pourrait être favorisée par le fer héminique et conduire à une inflammation chronique et probablement au développement du cancer colorectal.
  • L’hème induirait de multiples altérations génétiques en régulant la voie de signalisation WNT et en provoquant des mutations dans les principaux gènes du cancer du côlon tels que l’APC, le TP53 et le KRAS.

Toutefois, plusieurs études suggèrent qu’une alimentation équilibrée contenant des légumes verts, de l’huile d’olive, des antioxydants et du calcium pourrait réduire les effets cancérigènes du fer héminique.

Des études biaisées

Quelques études soulignent également que les conclusions des études sur l’implication du fer héminique dans la cancérogénèse colorectale sont biaisée par le fait que ces études utilisent des régimes expérimentaux contenant de plus grandes quantités de viandes rouges et produits dérivés que ce qui est habituellement consommé dans l’alimentation humaine, et que ces régimes expérimentaux sont déficients en composés protecteurs, habituellement présents dans l’alimentation humaine.

Une autre controverse concerne le porc et le poulet, dont le contenu en fer héminique est quasi similaire (0.39mg/100g et 0.28 mg/100g, respectivement), alors que l’impact sur le risque de cancer colorectal est différent. Ceci pourrait suggérer que le fer héminique n’est pas le seul responsable dans l’association entre la consommation de viande et le risque de cancer colorectal. De plus, la protéine de surface cellulaire, et agent cancérigène, le Neu5Gc est présent en abondance dans le porc et le bœuf tandis qu’il est quasi-absent de la volaille.

D’autres composants en cause ?

En conclusion, le fer héminique pourrait agir via divers mécanismes d’action, mais il semble qu’il ne soit pas le seul composé impliqué dans l’association entre la consommation de viande rouge et le cancer colorectal. Des études sont encore nécessaires pour connaitre l’implication des autres molécules que le fer héminique, présentes dans la viande rouge et ses produits dérivés sur la cancérogenèse colorectale.

Référence : Gamage SMK, Dissabandara L, Lam AK, Gopalan V. The role of heme iron molecules derived from red and processed meat in the pathogenesis of colorectal carcinoma. Crit Rev Oncol Hematol. 2018 Jun;126:121-128. doi: 10.1016/j.critrevonc.2018.03.025.

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