Rapport de l’Anses sur l’actualisation des repères du PNNS

L’Anses vient de publier son avis et rapport relatifs à la révision des repères de consommations alimentaires du Programme National Nutrition Santé (PNNS).  L’objet de ce rapport est de fournir le fond scientifique nécessaire à l’élaboration des nouveaux repères du PNNS par la Direction générale de la santé et Santé Publique France. Ces nouveaux repères devraient ensuite paraître dans le courant de l’année 2017. Ce travail porte sur les populations adultes (hommes et femmes). Des travaux complémentaires devront être menés ultérieurement pour les populations spécifiques : séniors, enfants, femmes enceintes, etc. Dans ce rapport d’expertise, l’Anses a cherché  à élaborer des repères dont le respect par la population permettrait de satisfaire les besoins nutritionnels tout en tenant compte des risques associés aux contaminants chimiques alimentaires et en intégrant les recommandations en matière de prévention primaire de  maladies chroniques, le tout sans trop s’éloigner des habitudes alimentaires des Français. La catégorisation des aliments utilisée est proche de celles des précédentes recommandations du PNNS : grandes familles d’aliments peu ou pas transformés qui ne prennent pas en compte la différence d’apports nutritionnels selon le type de transformation des aliments, l’ajout de sel et MG, etc. La grande différence porte sur les légumineuses, sorties des féculents et identifiées comme une catégorie d’aliments à part entière. Les catégories d’aliments ont en revanche été découpées en sous-groupes plus spécifiques. Le groupe « Viandes, poissons, œufs » comprend par exemple 5 sous-groupes distincts : les volailles, les viandes hors volaille, les charcuteries, les poissons et les œufs. La démarche utilisée par l’Anses relève d’une évaluation de type bénéfice-risque des consommations alimentaires, réalisée à partir de l’étude des publications scientifiques, puis de la conception d’un outil de modélisation  numérique (optimisation mathématique linéaire) permettant de traduire les références nutritionnelles par des combinaisons d’aliments tout en répondant aux contraintes évoquées précédemment. L’outil d’optimisation a intégré :

  • La couverture des besoins qui est estimée à partir des données moyennes pour atteindre les Références Nutritionnelles pour la Population en macronutriments, vitamines et minéraux, pour un besoin énergétique moyen (le terme de RNP, remplace celui  d’Apports Nutritionnels Conseillés (ANC)). Faute de données suffisantes, l’Anses n’a pas réussi a introduire dans cette analyse,  des différences de coefficients de biodisponibilité pour les vitamines et minéraux en fonction de leur forme chimique, de la matrice alimentaire les contenant ou encore du régime alimentaire.
  • La prévention primaire en termes de maladies à partir des rapports et études épidémiologiques faisant état des associations convaincantes ou probables entre les consommations élevées des différentes catégories d’aliments et la diminution ou au contraire l’augmentation des risques de cancers (colorectal, prostate et sein), de maladies cardiovasculaires, de diabète, d’obésité, de santé osseuse et de déclin cognitif.
  • La prise en compte de 89 substances chimiques, 232 résidus de pesticides et de 4 additifs.
  • Les habitudes alimentaires dans l’objectif de minimiser l’écart à la consommation moyenne d’INCA2.

Résultats des scénarios proposés en termes de combinaison des aliments par l’outil d’optimisation :

  • Comme le précise l’Anses, ces scénarios, même s’ils sont plausibles, ne constituent pas des régimes types. Ils nécessiteront d’être traduits en recommandations plus précises et pratiques : indications en termes de portions qui tiennent compte des différences de poids entre les aliments crus et cuits et en termes de fréquences de consommation. Il faudrait également que les recommandations tiennent compte des combinaisons des aliments entre eux au sein du repas et des régimes alimentaires, des différences de qualité entres les aliments selon leurs forme brutes et transformées et qu’elles s’adaptent aux niveaux de consommation des individus en chacune des catégories d’aliments concernées.
  • Toutefois, il ressort de ces scénarios, les grandes tendances suivantes par rapport aux moyennes de consommations des Français rapportées par l’enquête alimentaire INCA2 (données 2006-2007) :
    • augmenter les consommations de : fruits frais (multipliées par 3 par rapport aux consommations moyennes INCA2), de légumes (multipliées par 2), de légumineuses (multipliées par plus de 2), de poissons gras (multipliées par plus de 4), de produits céréaliers complets (multipliées par plus de 70) et d’huiles végétales riches en acide alpha-linolénique telles que les huiles de colza ou de noix (multipliées par plus de 600).
    • diminuer les consommations de boissons sucrées de type soda dont la consommation proposée par l’outil d’optimisation est nulle, des féculents raffinés (divisé par 7 à 10) et de charcuteries (consommation proposée par l’outil d’optimisation quasi nulle).
  • Les solutions proposées par l’outil d’optimisation permettent de couvrir le besoin nutritionnel de la quasi-totalité de la population, à l’exception de quelques nutriments :
    • l’atteinte de la RNP en vitamine D, telle qu’elle est actuellement définie n’est pas possible. L’Anses déclare à cet effet que les « résultats du consortium européen ODIN dont l’objectif est de proposer des solutions alimentaires pour la couverture optimale du besoin en vitamine D pourront apporter des éléments pour la mise en place de mesures de gestion qui paraissent aujourd’hui nécessaires ».
    • en ce qui concerne le fer, les résultats d’optimisation montrent que des solutions satisfaisantes sont obtenues pour 80 % des femmes mais pas pour les femmes dont le besoin serait plus élevé. L’Anses estime que ce besoin est vraisemblablement surestimé (du fait de la non prise en compte de l’adaptation physiologique qui augmente l’absorption du fer lorsque les réserves sont faibles) et qu’il est difficile d’identifier les femmes ayant des besoins élevés. De ce fait, elle retient pour l’ensemble des femmes les conclusions formulées pour celles dont les pertes en fer sont faibles. L’Anses préconise néanmoins une surveillance du statut martial pour les femmes susceptibles d’avoir un besoin en fer élevé.
  • Mis à part ces  nutriments, l’Anses considère que ces scénarios permettraient d’éviter les situations d’inadéquation d’apports rapportées dans son avis du 13 mars 2015, et ce grâce à des consommations adéquates d’aliments courants, à des niveaux déjà consommés par une partie de la population, sans avoir recours aux compléments alimentaires.
  • Il n’a pas été possible d’avoir des combinaisons d’aliments permettant à la fois de couvrir les besoins nutritionnels de la population tout en limitant parfaitement l’exposition aux contaminants. Pour un nombre limité de contaminants, notamment l’arsenic inorganique, l’acrylamide et le plomb, les niveaux d’exposition restent préoccupants. Des efforts de réduction des teneurs en contaminants préoccupants restent donc nécessaires.

L’Anses souligne en conclusion que ce rapport met en évidence le besoin de nouvelles recherches visant à réduire les incertitudes relatives aux références nutritionnelles ou toxicologiques et la nécessité d’améliorer l’outil d’optimisation des consommations alimentaires en prenant en compte les effets de la matrice alimentaire sur la biodisponibilité de certaines vitamines et minéraux et les effets du mode de production sur la qualité nutritionnelle et les teneurs en contaminants des aliments. Focus sur les conclusions relatives aux consommations des aliments du groupe « viandes, poissons œufs » :

  • diminuer la consommation de charcuterie pour quelle ne dépasse 25 g/j
  • maîtriser la consommation de viandes hors volaille (bœuf, porc, agneau,veau, viande chevaline) pour qu’elle ne dépasse pas 500 g par semaine**. Cela ne correspond pas à un objectif de diminution globale pour l’ensemble des français car les consommations moyennes des adultes sont inférieures. Cette recommandation ne peut être formulée en termes de diminution que pour les trop grands consommateurs de viande hors volaille***
  • consommer du poisson 2 fois par semaine (mais pas plus du fait du risque lié aux contaminants), dont un poisson gras (tel que la sardine, le maquereau, etc.).

*Ces 500 g renvoient à de la viande telle que consommée (puisque sur la base des données de l’enquête INCA2), donc à de la viande cuite, ce qui représente 700 à 750 g de viande crue. **Selon les données Inca 2 présentée par L’Anses, les quantités moyennes consommées de viandes hors volaille sont de 64 g/j chez les hommes et 41 g/j chez les femmes, ce qui représente 52,5 g/j en moyenne, soient 370 g/ semaine. *** Selon Inca 2,  seule 25 % de la population adulte consomme plus de 500 g par semaine de viande hors volaille (c’est à dire de viande « rouge » selon la définition internationale utilisée dans les études épidémiologiques ou de viande de boucherie selon la définition de la filière en France). Ce rapport est notamment complété par :

Source : Anses

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