Les steacks in vitro : une fausse bonne idée pour réduire l’effet de serre (Article de synthèse)

Une publication parue en février 2019 vient battre en brèche une idée reçue : non, la viande produite en laboratoire n’est pas une solution aux émissions de gaz à effet de serre. En effet, gourmand en énergie, un laboratoire de production libère beaucoup de CO2 qui s’accumule inlassablement dans l’atmosphère, alors que le méthane des éructations des ruminants disparaît lui au bout d’une douzaine d’années.

L’élevage étant souvent pointée du doigt pour ses effets sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), deux chercheurs de l’Université d’Oxford se sont demandés si la viande issue de cultures cellulaires, et donc produite in vitrodans les laboratoires, serait une solution en lieu et place de l’élevage traditionnel. Leur verdict : il n’y aurait pas d’intérêt à troquer les troupeaux pour des boîtes de pétri !

Distinguer les GES pour davantage de rigueur

Pour réaliser leurs simulations, les deux chercheurs ont retenu le modèle de la viande bovine, s’agissant du produit d’élevage considéré comme le plus émetteur de GES. Se voulant plus rigoureux que d’autres simulations précédemment publiées, ils ont évalué les impacts du réchauffement à l’aide d’un modèle climatique simulant les différents comportements du dioxyde de carbone (CO2), du méthane (CH4, issu notamment de la fermentation gastrique des ruminants) et de l’oxyde nitreux (N2O), plutôt que de s’appuyer sur des mesures d’équivalent en dioxyde de carbone (CO2e). En effet, si le méthane a un plus grand impact sur le réchauffement climatique que le CO2 par tonne émise, il ne reste dans l’atmosphère qu’une douzaine d’années alors que le CO2 y stagne pendant des milliers d’années. Ainsi, l’impact du méthane n’est pas cumulatif et fluctue largement en fonction d’éventuelles hausses ou baisses des émissions… à la différence du CO2. Ce qui explique que les modélisations aient été réalisées sur 1 000 ans.

Côté méthodologie, les chercheurs ont évalué l’impact de la température de bovins élevés selon trois systèmes de production de viande de bœuf différents et celui de viandes produites in vitro à partir de quatre méthodes de cultures cellulaires actuellement utilisées.

A long terme, les tendances s’inversent

Les résultats ? Sans surprise, à l’instant t, l’élevage bovin produit les trois GES précités, avec notamment d’importantes émissions de CH4. De son côté, la culture cellulaire génère des rejets de CO2 principalement liés aux besoins en énergie des laboratoires, dans des proportions très variables selon la méthode retenue. Dans le scenario d’une consommation mondiale de viande qui demeurerait élevée, la viande cultivée engendre un moindre réchauffement climatique que le bétail, du moins dans les premières décennies de la simulation. Mais au fil des siècles, l’écart entre les deux systèmes se réduit. Au point que, à long terme (500 ans à 1 000 ans), la production de bétail génère, dans certains cas, un réchauffement largement moindre à la viande issue de cultures cellulaires. Une inversion des tendances imputable au fait que les émissions de CH4 ne s’accumulent pas, contrairement à celles de CO2.

Et si la consommation de viande devait diminuer ?

Autre scenario testé par les chercheurs : celui d’une baisse progressive de la consommation de viande après une consommation élevée. Dans ce cas, bien que les systèmes d’élevage entraînent généralement un pic initial de réchauffement plus important que la viande de culture, l’effet du réchauffement diminue (dès la fin du 1er siècle) et se stabilise ; à l’inverse, le CO2 généré par la production de viande de cultures cellulaires persiste et s’accumule même lorsque la consommation se réduit, dépassant à nouveau les effets de la production de bétail dans certains scénarios.

Ainsi, climatiquement parlant, la viande cultivée in vitro n’apparaît pas comme une alternative durable à l’élevage d’animaux. Remplacer des éructations de méthane par la consommation d’énergies sources de CO2 semble même une fausse bonne idée à long terme, sauf à ce que les énergies soient demain toutes décarbonées, un scenario que les auteurs jugent peu probable.

Référence : Lynch J, Pierrehumbert R. Climate Impacts of Cultured Meat and Beef Cattle. Front. Sustain. Food Syst., 19 February 2019.

À voir aussi