Les aspects sociétaux de la consommation de viande selon l’Académie d’Agriculture (Article de synthèse)
Le 23 janvier dernier, le groupe de travail sur la consommation de viande de l’Académie d’Agriculture de France organisait sa première séance de restitution. Au programme : les aspects sociétaux de la consommation de viande.
Depuis sa mise en place en 2017, un groupe de travail de l’Académie d’Agriculture de France dédié à la consommation de viande a procédé à une quarantaine d’auditions de parties prenantes, et analysé les nombreux rapports sur le sujet. Le 23 janvier 2019, il restituait ses premières conclusions provisoires sur les aspects sociétaux de la consommation de viande. Une deuxième séance de restitution est prévue le 27 mars prochain, sur la compatibilité de l’élevage avec le développement durable ; et une troisième le 3 avril, sur le bien-être animal. Le rapport du groupe de travail – en cours de rédaction – tiendra compte des discussions soulevées lors de ces séances publiques.
Réalités contrastées de la consommation de viande
Point de départ de cette séance de restitution : les réalités contrastées de la consommation de viande, notamment au regard des évolutions générationnelles puisque les jeunes générations consomment moins de viande au même âge que leurs aînés et surtout la consomment différemment. Pascale Hébel, directrice du pôle consommation et entreprise du Crédoc, a ainsi présenté les séries annuelles d’observations et d’enquêtes conduites par le Crédoc, et donné une vision précise et quantitative des rations réellement consommées par les différentes strates de la population. Elle rapporte par exemple que la baisse entamée depuis le début des années 90 chez les cadres (dont la consommation de produits carnés passe de 140 g/j en 2007 à 113 g/j en 2016) a aussi gagné les ouvriers (passant de 178 g/j en 2007 à 151 g/j en 2016) ; ou encore que les jeunes générations consomment plus de produits carnés (148 g/j pour les 18-24 ans en 2016, contre 135 g/j en 2007) grâce aux ingrédients des sandwichs, hamburgers, pizzas…
Les déterminants socioculturels
Jean-Pierre Digard, directeur de recherche au CNRS, a ensuite apporté son regard d’anthropologue spécialiste de la domestication animale et des relations hommes-animaux. Selon lui, plusieurs séries de facteurs contribuent à cette évolution des consommations :
- les prescriptions religieuses ;
- les normes culturelles plus ou moins implicites (en Europe occidentale par exemple, l’hippophagie et la cuniculture ont reculé du fait de la tendance croissante à assimiler le cheval et le lapin à des animaux de compagnie) ;
- les effets de l’évolution des genres et des niveaux de vie (en Europe occidentale encore, la population est désormais majoritairement citadine et coupée de ses racines paysannes et de la culture animalière correspondante) ;
- l’impact des sensibilités et des idéologies contemporaines (végétarisme, végétalisme, véganisme ; et à l’inverse, 25 % des Français se revendiquent « carnivores » et rejettent toute stigmatisation de leur goût pour la viande) ;
- les actions et influences des parties prenantes, porteurs d’idées, lobbies…
Et de conclure : « Les nouveaux comportements relatifs à la consommation de viandes doivent davantage à l’évolution des genres et des niveaux de vie qu’à l’activisme du mouvement animaliste. Des inflexions vers des systèmes de production de viandes plus respectueux des hommes (éleveurs, personnels des abattoirs, consommateurs) comme des animaux paraissent cependant inéluctables. »
Les réponses du secteur aux controverses
Enfin, Claude Allo, ancien directeur de l’Institut de l’élevage, a présenté les actions engagées par les acteurs de l’élevage et de la production de viande en réponse aux controverses soulevées par leur activité. Amélioration de la qualité de l’eau, bonnes pratiques, réduction des émissions de gaz à effet de serre, prise en compte du bien-être animal… : ce dernier s’est attaché à présenter, à partir d’exemples concrets, l’importance des évolutions dans ce secteur. « La perception de ces évolutions par la société pose question dans une période marquée par un écart croissant entre la réalité de l’élevage et l’idée que peut s’en faire le grand public« , regrette-t-il. Avant de conclure : « Il n’y a pas d’autre issue que de s’entendre sur des systèmes d’élevages viables et vivables, forcément diversifiés, acteurs du développement durable, conciliant efficacité économique et réponse sociétale. Le caractère encore familial de l’élevage français, la pluralité des exploitations et des territoires, la présence de systèmes liés au sol avec une forte autonomie alimentaire, l’innovation technique permise par les nouvelles connaissances (génomique, élevage de précision…) sont nos meilleurs atouts pour y parvenir. »
Source : Académie d’Agriculture de France.
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