L’association britannique des transformateurs de viande réclame à The Lancet le retrait de l’étude GBD 2019

Une nouvelle critique du rapport GBD 2019 (Global Burden of Diseases, Injuries, and Risk Factors Study) vient d’être adressée à la revue The Lancet, afin qu’elle le retire de la publication. Cette lettre, rédigée par Nick Allen de l’association britannique des transformateurs de viande (British Meat Processors Association), dénonce le fait que cette étude très controversée puisse continuer à servir d’appui à des recommandations alimentaires, alors même que ses propres auteurs ont reconnu que certaines conclusions étaient erronées. Voici une traduction de cette lettre.

 « Nous vous écrivons pour vous faire part de notre inquiétude quant aux conséquences potentielles de l’utilisation d’études scientifiques erronées et incorrectes comme base de la politique de santé du gouvernement britannique. Nous faisons référence à une étude en particulier, le rapport Global Burden of Diseases, Injuries, and Risk Factors Study (GBD) 2019 publié par The Lancet (1). Celui-ci a été cité dans des rapports aussi importants et influents que la National Food Strategy commandée par le gouvernement et la dernière stratégie quinquennale de la Food Standards Agency (FSA), ainsi que dans des centaines d’autres articles, rapports et études qui cherchent à influencer l’alimentation et la santé des gens.

Comme vous le savez d’après d’autres lettres que vous avez reçues et publiées (2) contestant cette étude, celle-ci affirme, à tort, que la consommation de viande rouge aurait multiplié par 36 le nombre de décès dans le monde (depuis la publication des données précédentes en 2017), ce que les auteurs ont depuis admis comme étant faux. En effet, les auteurs reconnaissent aujourd’hui qu’en réalité « il existe une relation protectrice claire entre la consommation de viande rouge et les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques, qui sera reflétée dans les résultats du GBD 2020 » (3). Cependant, à ce jour, leur étude n’a pas été retirée par The Lancet et continue d’être citée comme un fait par des organisations telles que la FSA.

Nous pensons que cela s’explique par le fait que The Lancet n’est pas disposé à respecter ses propres normes scientifiques. En publiant le GBD 2019, The Lancet n’a pas fait preuve de la diligence requise. L’article n’a pas fait l’objet d’un examen par les pairs, n’a pas satisfait aux exigences PRISMA de transparence des revues systématiques et des méta-analyses, et n’a pas respecté les lignes directrices pour une présentation exacte et transparente des estimations sanitaires (Guidelines for Accurate and Transparent Health Estimates Reporting, GATHER).

Notre message est simple. Nous pensons qu’il faut continuer à étudier les effets de l’alimentation sur notre santé mais, pour fonder nos recommandations publiques, nous devons utiliser uniquement les données répondant aux normes les plus strictes en matière d’examen scientifique et d’intégrité. S’il est prouvé qu’une étude est erronée, elle ne doit pas être utilisée et doit être retirée de la littérature scientifique. En maintenant l’accès du public à des informations contestées et incorrectes, The Lancet risque de provoquer des conséquences involontaires en encourageant les gens à faire quelque chose qui pourrait leur nuire au lieu de les aider, parce que des hypothèses erronées ont été utilisées. La science entourant l’alimentation et la santé se développe rapidement et il existe de nombreuses preuves démontrant que la viande, consommée avec modération, fait partie d’un régime alimentaire équilibré et sain qui contribue à la santé humaine. Cependant, les conseils diététiques ont été quelque peu détournés par des individus et des organisations influents, souvent motivés par des agendas et des intérêts commerciaux qui pourraient ne pas être favorables à la santé humaine. Nous pensons que cette étude, dans sa forme actuelle, pourrait encourager ce type de désinformation et influencer l’alimentation des gens de manière préjudiciable.

En août 2022, un groupe d’éminents scientifiques du World Cancer Research Fund International, parmi lesquels figure l’ancienne directrice de la British Nutrition Foundation, Judy Butriss, a critiqué The Lancet en ces termes : « Lorsque les hypothèses utilisées dans une étude ne sont pas clairement énoncées et expliquées, les résultats deviennent discutables. » Ils ajoutent que « le manque de transparence des hypothèses qui sous-tendent les calculs compromet la validité des estimations du GBD » (4). L’association britannique des transformateurs de viande (British Meat Processors Association) souhaite ajouter sa voix à celles des autres personnes qui ont contesté cette étude et demander à The Lancet de retirer de la publication cette étude controversée afin qu’elle ne puisse plus être citée dans les rapports, les politiques ou les avis publics ultérieurs. »

Références

– GBD 2019 Risk Factors Collaborators. Global burden of 87 risk factors in 204 countries and territories, 1990–2019: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2019. Lancet. 2020; 396: 1223-1249

– Stanton AV, Leroy F, Elliott C, Mann N, Wall P, De Smet S. 36-fold higher estimate of deaths attributable to red meat intake in GBD 2019: is this reliable? Lancet. 2022; 399: e23-e26

– Murray CJL, GBD Risk Factors Collaborators. 36-fold higher estimate of deaths attributable to red meat intake in GBD 2019: is this reliable? Author’s reply. Lancet. 2022; 399: e27-e28

– Gordon-Dseagu VLZ, Wiseman MJ, Allen K, Buttriss J, Williams C. Troubling assumptions behind GBD 2019 on the health risks of red meat. Lancet. 2022; (published online July 11.) https://doi.org/10.1016/S0140-6736(22)01274-0

Référence : Allen N; British Meat Processors Association. GBD 2019 study informs industry yet crucial questions remain unanswered. Lancet. 2023 Mar 4;401(10378):731.

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