Intérêt d’intégrer la choline aux recommandations alimentaires (Article de synthèse)

La choline est un nutriment essentiel à l’organisme… et pourtant encore méconnue voire oubliée des recommandations et enquêtes de consommation de certains pays, comme le Royaume-Uni. D’où la sonnette d’alarme tirée par le Dr Emma Derbyshire dans le BMJ Nutrition, Prevention & Health. Celle-ci s’inquiète de la couverture des besoins, déjà rarement assurée, à l’heure même où les produits animaux, source principale de choline, sont de plus en plus écartés de nos régimes alimentaires.
 
La choline est un nutriment « essentiel » pour l’Homme : la quantité produite de manière endogène (dans le foie) n’étant pas suffisante pour répondre aux besoins de l’organisme, elle doit être apportée par l’alimentation. En pratique, on trouve de la choline principalement dans les produits animaux : la viande de bœuf (431 mg/100 g), les œufs (226 mg/100 g), le saumon (90 mg/100 g), les côtes de porc (78 mg/100 g), les blancs de poulet (62 mg/100 g). Les produits végétaux s’avèrent bien moins riches (31 mg pour les haricots, 2 mg/100 g pour le riz), exception faite de certains fruits oléagineux (53 mg/100 g pour les noix et amandes) ou crucifères (40 mg/100 g pour les brocolis). D’où l’interrogation de certains scientifiques quant aux conséquences sur l’apport en choline de l’alimentation végétale actuellement en vogue. Parmi eux, le Dr Emma Derbyshire (Surrey, Angleterre) a consigné ses craintes dans un article publié en août 2019 dans le BMJ Nutrition, Prevention & Health.

Des apports recommandées… mais pas partout

Certains pays ont établi des recommandations concernant les apports en choline, nutriment nécessaire à la neurocognition, au métabolisme des lipides, à la fonction hépatique et à la régulation de l’homocystéine. L’Institute of Medicine américain (IOM), en 1998, et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), en 2016, ont ainsi établi des valeurs de référence alimentaires. Puis, l’American Academy of Paediatrics, en 2018, a invité les pédiatres à veiller à ce que les femmes enceintes et les jeunes enfants aient accès à une nourriture fournissant des quantités suffisantes d’éléments nutritifs « constitutifs de cerveau », dont la choline. « Malheureusement, au Royaume-Uni, la choline n’est pas encore incluse dans les bases de données sur la composition des aliments, les principales enquêtes sur la nutrition ou les recommandations officielles », déplore l’auteur.

La difficulté des populations à couvrir leurs besoins

Pourtant, la non-couverture des besoins semble être une réalité dans les pays Occidentaux. « La majorité des Européens, Américains, Canadiens et Australiens ne respectent pas les recommandations d’apports alimentaires en choline », estime l’auteur qui rapporte quelques résultats chiffrés : seulement 11 % des Américains adultes atteindraient les recommandations de l’IOM ; en Europe, les doses moyennes de choline seraient inférieures aux seuils de l’IOM ; en Alberta (Canada), seules 23 % des femmes enceintes et 10 % des mères allaitantes atteindraient les recommandations.

Le régime EAT-Lancet, une fausse bonne idée ?

D’ailleurs, le Dr Derbyshire s’interroge sur le régime « sain » proposé par le groupe EAT-Lance, dans lequel les produits animaux sont très limités : 7 g de bœuf et d’agneau, 13 g d’œuf et 250 g de lait entier ou de produits dérivés tels que le fromage (voir article « Parution du rapport EAT-Lancet »). « Ce rapport doit certes être loué dans la mesure où il s’agit du premier rapport à élaborer un plan alimentaire sain basé sur la promotion de la durabilité environnementale. Cependant, des apports limités en lait entier, en œufs et en protéines animales pourraient avoir une incidence sur les apports et le statut en choline », souligne-t-elle. Car l’impact du régime alimentaire est fort : les femmes enceintes consommant au moins un œuf par jour sont 8 fois plus susceptibles de respecter les recommandations en matière de consommation de choline par rapport aux non consommatrices.

Des pistes d’amélioration

Enfin, l’auteur recommande que « la recherche en nutrition en cours étudie les apports à long terme de choline, par exemple via des questionnaires sur la fréquence des repas plutôt que des rappels de 24 heures, ce qui donnera une image plus fiable des apports en choline ». Elle souhaiterait également que son pays en fasse davantage « pour sensibiliser les professionnels de santé et les consommateurs à l’importance d’un régime alimentaire riche en choline et aux moyens d’y parvenir ». Enfin, « si la choline n’est pas apportée aux niveaux nécessaires par l’alimentation, des stratégies de supplémentation seront nécessaires, en particulier en ce qui concerne les étapes clés du cycle de vie, telles que la grossesse, lorsque les apports en choline sont essentiels au développement du nourrisson », estime-t-elle.

Référence : Derbyshire E. Could we be overlooking a potential choline crisis in the United Kingdom? BMJ Nutrition, Prevention & Health 2019; bmjnph-2019-000037. doi: 10.1136/bmjnph-2019-000037

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