Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) : pas d’association entre exposition alimentaire et mortalité toutes causes (Article de synthèse)

Une étude d’observation basée sur la cohorte de femmes françaises E3N est la première à évaluer le risque de mortalité en lien avec l’exposition alimentaire en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ses conclusions sont plutôt rassurantes puisqu’aucune association significative n’a été observée entre l’apport alimentaire en HAP et le risque de mortalité toutes causes confondues, tous cancers, cancer du sein, cancer colorectal, toutes MCV, accidents vasculaires cérébraux et coronaropathies. Seuls les fumeurs auraient à se soucier de leur exposition alimentaire aux HAP qui accentuerait leur risque de développer un cancer fatal du poumon ou de la trachée.

Bonne nouvelle pour ce mois de juillet : les barbecues peuvent faire leur sortie ! L’exposition alimentaires aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ne serait pas aussi dangereuse qu’on aurait pu le croire… Mais que sont les HAP ? Ce sont des composés organiques se formant lors de la combustion incomplète ou de la pyrolyse du charbon, du pétrole, du gaz, des déchets ou d’autres substances organiques d’origine naturelle ou anthropique, comme les feux de bois, les gaz d’échappement des véhicules à moteur ou le chauffage domestique (EFSA, 2008). En 2010, ils ont été classés par la Commission économique pour l’Europe parmi les polluants organiques persistants (POP). Autrement dit, des composés toxiques et ubiquistes qui peuvent se déplacer sur de longues distances et s’accumuler dans la chaîne alimentaire sous forme de composés lipophiles. Mais ce n’est pas tout. Les HAP sont également considérés comme des perturbateurs endocriniens, potentiellement génotoxiques et/ou cancérigènes. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a en effet classé un HAP, le benzo[a]pyrène (BaP), parmi les substances cancérogènes pour l’Homme, et trois autres, le chrysène (CHR), le benzo[a]anthracène (BaA) et le benzo[b]fluoranthène (BbF), comme possiblement cancérogènes pour l’Homme (CIRC, 2010).

Analyser l’exposition de la population générale via la cohorte française E3N

Nombreuses sont les études qui ont exploré les effets délétères sur la santé de l’exposition professionnelle aux HAP. Mais quid de la population générale qui y est également exposée, principalement par le biais de l’alimentation ? Chez un habitant de pays industrialisé, les aliments représentent plus de 90 % de l’exposition totale aux HAP. Seule exception : les fumeurs, pour lesquels la fumée de tabac peut conduire au même niveau d’exposition que l’alimentation. Contrairement à l’exposition professionnelle, l’exposition aux HAP en population générale est plutôt observée à de faibles doses. Pour autant, ces dernières pourraient conduire à des effets sanitaires à long terme, avec des effets potentiels sur plusieurs générations.

Dans une étude française basée sur la cohorte prospective E3N (Étude Épidémiologique auprès de femmes de la mutuelle générale de l’Éducation Nationale), des chercheurs ont donc voulu connaître l’association entre l’exposition alimentaire aux HAP et le risque de mortalité.

Une étude portant sur plus de 72 000 femmes d’âge moyen

L’étude a regroupé les données de 72 513 femmes âgées en moyenne de 53 ans à l’inclusion et ayant rempli en 1993 un questionnaire de fréquence alimentaire portant sur 208 aliments. Les niveaux de contamination des aliments ont été évalués à l’aide des données fournies par l’Anses dans le cadre de la deuxième étude française sur l’alimentation totale (EAT 2). L’exposition alimentaire aux HAP a été étudiée comme étant la somme des quatre HAP précédemment évoqués pour leur cancérogénicité : BaP, CHR, BaA et BbF. Les chercheurs ont ensuite évalué le risque de mortalité toutes causes confondues, ainsi que les risques de mortalité par cancer, par cancers spécifiques (du sein, du poumon/trachée et colorectal, chacun considéré séparément), par maladies cardiovasculaires (MCV) et par MCV spécifiques (comprenant uniquement les accidents vasculaires cérébraux et les maladies coronariennes).

Pas d’association entre exposition alimentaire aux HAP et mortalité toutes causes

Au cours du suivi (1993-2011), 4 620 décès ont été signalés, dont 2 726 par cancers et 584 suite à une MCV. L’apport alimentaire médian en HAP était de 66,1 ng/jour. Aucune association significative n’a été observée entre l’apport alimentaire en HAP et le risque de mortalité toutes causes confondues, tous cancers, cancer du sein, cancer colorectal, toutes MCV, accidents vasculaires cérébraux et coronaropathies. En revanche, les chercheurs ont observé une association positive et statistiquement significative entre l’apport alimentaire en HAP et le risque de mortalité par cancer du poumon ou de la trachée, avec une association plus forte chez les fumeurs actuels versus les anciens fumeurs et les personnes n’ayant jamais fumé.

Cette étude d’observation suggère donc une absence d’association entre l’exposition alimentaire aux HAP et le risque de mortalité toutes causes confondues. Seuls les fumeurs auraient à se soucier de leur exposition alimentaire aux HAP qui accentuerait leur risque de développer un cancer fatal du poumon ou de la trachée. A noter toutefois que, cette étude étant la première du genre, les auteurs pointent le besoin d’études observationnelles de grande envergure portant sur les effets néfastes de l’exposition alimentaire aux HAP, notamment le risque de cancer du poumon et de la trachée, en population générale.

Référence : Marques C, Fiolet T, Frenoy P, Severi G, Mancini FR. Association between polycyclic aromatic hydrocarbons (PAH) dietary exposure and mortality risk in the E3N cohort. Sci Total Environ. 2022 Jun 10; 840:156626. (PDF disponible sur abonnement)

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