Chaire Unesco « Alimentations du monde » : un séminaire pour réfléchir à une alimentation plus durable (Article de synthèse)

Depuis 2012, la chaire Unesco « Alimentations du monde » réunit des professeurs de l’école d’agronomie de Montpellier (Sup Agro) et des chercheurs d’Agropolis*, afin d’accroître et diffuser les connaissances sur les systèmes alimentaires dans le monde, et promouvoir des systèmes d’alimentation durables.

Dans le cadre du mastère spécialisé « Innovations et politiques pour une alimentation durable », la chaire Unesco « Alimentations du monde » organise chaque année à Montpellier un séminaire de formation ouvert à tous, sur les enjeux contemporains de l’alimentation. Abordant des thèmes aussi divers que la nutrition, l’agroécologie et la transition industrielle, les interventions des scientifiques montrent pourquoi il devient urgent de changer de système alimentaire.

Les limites du système industriel relevées par les chercheurs

Emissions de gaz à effet de serre (GES), pollution aux pesticides, déforestation, utilisation massive des ressources en eau douce…depuis quelques années, les critiques à l’égard du système alimentaire industriel se multiplient. Pour Nicolas Bricas, chercheur au Cirad (Centre international pour la recherche agronomique et le développement), pas question de nier les apports d’un secteur qui, par la croissance quasi exponentielle de la production agricole entre 1960 et 2010, a permis de subvenir aux besoins alimentaires d’une population toujours plus nombreuse et urbanisée.

Impossible cependant d’ignorer les effets pervers (environnementaux, gouvernementaux, sanitaires…) et la non-durabilité de ce système. Comme le souligne le chercheur, les multiples études prospectives sur le futur de l’agriculture et de l’alimentation menées par différents organismes (FAO, banque mondiale, Cirad…) aboutissent à une conclusion unanime : l’équilibre de l’offre et de la demande alimentaire ne sera atteint que si l’on modifie nos modes de production et de consommation.

Transition vers un système alimentaire plus durable

D’après les différents intervenants, la non-durabilité du système actuel est liée à l’usage massif de ressources en eau et en énergies non renouvelables, mais surtout à l’émission de GES, contribuant au réchauffement climatique. Des études estiment que la production alimentaire génère près de 30 % des émissions de GES à l’échelle mondiale, dont 60 % seraient liées aux activités d’élevage, 13 % au transport, 7 % à la transformation agro-alimentaire.

S’appuyant sur ces chiffres, Stéphane Guilbert, professeur à Sup Agro*, présente différentes mesures d’atténuation possibles. Sans surprise, l’adoption de régimes alimentaires moins riches en viande constituerait la solution la plus efficace pour diminuer les émissions de GES liés à la production alimentaire, tandis que les nouvelles technologies devraient favoriser les économies d’eau et d’énergie.

Un autre levier d’action, peu évoqué mais potentiellement très efficace, viendrait de la substitution des gaz réfrigérants utilisés pour maintenir la chaîne du froid tout au long de la chaîne de production alimentaire. Ces gaz, sensés préserver la couche d’ozone, contribuent en effet très fortement à l’effet de serre.

Un régime intégrant enjeux nutritionnels et environnementaux

Considérant les enjeux nutritionnels de l’alimentation du futur, Sylvie Avallone (professeure à Montpellier Sup Agro) et Marie-Josèphe Amiot-Carlin (chercheuse à l’INRA) proposent un régime bon pour la santé et la planète, avec une alimentation idéale composée de 50 % de fruits et légumes, d’environ 30 % de céréales et légumineuses, et de produits laitiers et de viande rouge en quantité modérée, afin de combler les besoins en vitamines, minéraux et acides gras essentiels… En comparaison, le repas nord-américain moyen actuel contient six fois trop de viande, et de trop faibles quantités de légumes et de fruits.

Si ces présentations s’accordent sur une nécessaire diminution de la consommation de viande dans un système alimentaire plus durable, la diversité des pratiques d’élevage devrait inviter à davantage de nuances. En comparaison des feedlots américains, le système d’élevage herbivore français, qui valorise des millions d’hectares de prairies (sur des terres souvent non labourables, agissant comme de potentiels puits de carbone et abris pour la biodiversité) semble bien engagé pour durer.

*Agropolis est une association créée en 1986 par des enseignants et chercheurs de Montpellier, devenue aujourd’hui une plateforme scientifique internationale dédiée à l’agriculture, l’alimentation, la biodiversité et l’environnement.

Source : Chaire Unesco.

 

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