Viande rouge et cancer du côlon : une revue scientifique des études mécanistiques relatives au potentiel risque lié au fer héminique

En Octobre 2015, le CIRC publiait un résumé de leurs travaux sur l’association entre le cancer et la consommation de viande rouge et de viande transformée (IARC 2015a; The Lancet Oncology 2015). Le groupe de travail concluait qu’il existe des preuves limitées chez l’Homme de la cancérogénicité de la consommation de viande rouge et des preuves inadéquates dans les modèles expérimentaux. Néanmoins, le groupe de travail concluait à l’existence de preuves mécanistiques fortes pouvant expliquer le rôle de la consommation de viande rouge dans la survenue du cancer colorectal humain, et classait la viande rouge dans le groupe 2A « probablement cancérigène pour l’Homme ».
Contexte
Plusieurs composantes de la viande étaient citées parmi lesquels les composés formés durant la transformation de la viande comme les composés N-nitrosés et les amines hétérocycliques aromatiques, et des composés endogènes comme le fer héminique. Les mécanismes d’action de ces composés s’avèrent différent, il est donc difficile d’évaluer les preuves concernant chacun d’eux. Cette revue de 71 pages décortique chaque étude in vitro, chez le rat et chez l’Homme ayant exploré l’association entre la consommation de viande rouge et de fer héminique et le cancer colorectal ainsi que les méthodologies employées.
des études in vitro et chez l’animal biaisées
Les données des études in vitro utilisent des conditions d’exposition non comparables à celles d’une alimentation humaine normale (doses correspondant entre 1,5 et 18 000 kg de viande par jour et jusqu’à 150 g/jour d’huile pour augmenter la formation de radicaux péroxyls) et ne fournissent donc pas les preuves suffisantes que l’exposition au fer héminique provenant de la consommation de viande rouge augmente le risque de cancer du côlon. Les études animales utilisent des composés initiateurs de cancer et des modèles qui testent la promotion cancéreuse par des régimes alimentaires pauvres en calcium, riches en graisses et avec une exposition exagérée au fer héminique avec, bien souvent, des apports qui ne correspondent pas à la réalité (entre 1,8 et 6,1 kg de viande par jour). Onze études avec Fabrice Pierre comme auteur sont analysées.
Des études cliniques manquant de rigueur
Concernant les données cliniques, elles concernent toutes des sujets consommant plus de viande rouge que ce qui est recommandé. Plusieurs contiennent des erreurs de calcul, d’unité ou utilisent une méthodologie non validée. Elles suggèrent que le type de composés N-nitrosés retrouvé après ingestion de viande rouge chez l’Homme est principalement du fer nitrosilé et des thiols nitrosés, très différents chimiquement des certaines espèces N-nitrosées dont le caractère tumorigène via la formation d’adduits d’ADN a été démontré.
En conclusion, les méthodologies employées dans les études mécanistiques actuelles concernant l’association entre le fer héminique et le cancer colorectal ne fournissent pas suffisamment de données prouvant que les mécanismes étudiés contribuent à promouvoir le risque de cancer du côlon dans des conditions d’apports alimentaires et de consommation de viandes rouges normales.
Référence : Kruger C, Zhou Y. Red meat and colon cancer: A review of mechanistic evidence for heme in the context of risk assessment methodology. Food Chem Toxicol. 2018 Apr 21. pii: S0278-6915(18)30265-5.
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