Vers l’autonomie protéique en élevages de ruminants : conseils d’experts et témoignages d’éleveurs (Article de synthèse)

Un dossier technique de l’Institut de l’Elevage (Idele) publié au mois de septembre 2022 détaille les enjeux de l’autonomie protéique en élevage de ruminants, et les pistes pour y parvenir. La valorisation des ressources fourragères riches en matière azotée et l’augmentation de la production locale de protéagineux figurent parmi les solutions privilégiées par les experts.

 « Le programme national de souveraineté protéique* vise une France moins dépendante des importations déforestantes. L’élevage peut y contribuer en optimisant les protéines des fourrages et en utilisant des protéagineux produits localement. » Telle est la position exprimée par Jérôme Pavie, responsable du volet Elevage du Programme Cap protéines, et développée dans un dossier technique coordonné par l’Idele et publié en septembre 2022.

Les enjeux de l’autonomie protéique

Utiles à l’équilibre des rations et au maintien de hauts niveaux de performances, les concentrés protéiques font défaut en France. Résultat : le pays importe, principalement d’Amérique, une part importante  des 3,5 millions de tonnes de tourteaux de soja consommées chaque année. Cette relative dépendance expose les producteurs aux aléas du marché, dans un contexte de demande croissante de la part de la Chine, et de turbulences liées à la guerre en Ukraine. Sans parler des pratiques controversées liées à la culture du soja . L’amélioration de l’autonomie protéique des élevages répond donc à des enjeux économiques, environnementaux, voire sociaux.

Les élevages allaitants en moyenne plus autonomes

Où en est-on aujourd’hui ? Selon les données d’Inosys Réseaux d’Elevage, l’autonomie protéique moyenne des fermes françaises s’établit à 75 %, avec des élevages allaitants (pour la production de viande de veaux et d’agneaux) globalement plus autonomes que les élevages laitiers (autonomie protéique moyenne des élevages bovins laitiers estimée à 70 %). Les ateliers bovins viande affichent quant à eux des taux d’autonomie protéique de 85 % en moyenne, et supérieurs à 90 % pour un quart d’entre eux. Un chiffre qui grimpe à 95 % chez les naisseurs-engraisseurs de bovins allaitants bio.

Valoriser les fourrages

Comment améliorer ces chiffres à l’échelle d’une exploitation ? Tout d’abord, en valorisant les protéines des ressources fourragères produites sur place. Les fourrages en général, et l’herbe en particulier, constituent en effet les premières sources, méconnues, de matière azotée chez les ruminants. Dans les élevages de bovins allaitants, l’herbe fournit en moyenne 80 % des protéines de la ration, contre 3 % pour le tourteau de soja (avec un maximum à 10 % dans les élevages bovins laitiers et mixtes). L’optimisation de la valeur alimentaire de l’herbe (stade de récolte et distribution adaptée aux besoins des bovins, gestion du pâturage, entretien des prairies) et la sélection d’animaux aptes à sa valorisation représentent des éléments clés pour gagner en autonomie protéique. Le recours aux légumineuses fourragères constitue une option supplémentaire pour y parvenir. Enfin, la recherche d’autonomie protéique doit s’appuyer sur la production de concentrés riches en matière azotée, issus de cultures pures (pois, soja, féveroles), ou de mélanges céréales-protéagineux (méteils).

Témoignages d’éleveurs

Pour illustrer l’impact de ces mesures, le dossier de l’Idele présente des témoignages d’éleveurs pilotes, impliqués dans le projet Cap-Protéines. Parmi eux, Benoit Gautier, éleveur de Limousines en Loire Atlantique. L’autonomie protéique de son élevage s’élève à 97 % grâce à une gestion optimisée du pâturage et au recours à des mélanges céréaliers riches en protéagineux. « Les fourrages sont récoltés en optimisant le stade de fauche. Ils sont ensuite triés selon leur qualité, et distribués en fonction des besoins des animaux. (…) Les mélanges céréaliers sont semés en deux espèces, une céréale et une protéagineuse, (…) et triés. Le triticale sert pour l’engraissement des bœufs, tandis que le pois et la févérole servent de correcteur azoté l’hiver, pour les animaux en croissance et pour les mères. »

Pour Gilles Dubin, éleveur de Charolaises dans les Deux-Sèvres, la culture de la luzerne représente la dernière étape dans la recherche d’autonomie. « Elle complète bien ma ration sèche sur les taurillons et me libère de la fluctuation des prix du soja. Si c’est un excellent précédent à une culture de céréales, la réussite de la culture est aléatoire. Economiquement je gagne surtout quand le prix de la matière azotée est très élevé, mais je suis plus en phase avec mes convictions. »

*Lancé en 2020, le programme Cap-protéines comprend un volet Elevage, doté d’un budget de 7,5 millions d’Euros.

Favoriser l’autonomie protéique des ateliers les plus gourmands en soja

Les bovins laitiers et mixtes consomment 36 % des tourteaux de soja disponibles en France, les bovins viande 6 % et les petits ruminants 2 %. A titre de comparaison, les volailles en consomment 43 %. Des mesures dans les filières les plus gourmandes en soja permettraient théoriquement de se passer des importations à l’horizon 2030.

Pour les experts, la réduction de la part de maïs fourrage dans la ration des vaches laitières, au profit d’une herbe riche en protéines et de concentrés issus des céréales, permettrait de se passer d’apport de tourteaux de soja dans cette filière. Et l’augmentation des surfaces dédiées à la culture des oléo-protéagineux permettrait d’atteindre l’autonomie dans les élevages de volailles. Le programme Cap protéines ambitionne ainsi de maintenir les surfaces de colza et tournesol, de tripler les surfaces en protéagineux et de quadrupler les surfaces dédiées au soja d’ici 2030.

Source : Idele

À voir aussi