Quelle opportunité pour un nouveau label alimentaire européen pour valoriser le bien-être des animaux de production ? (Article de synthèse)

Dans une étude publiée en février 2022, un groupe d’experts mandaté par la Commission Européenne analyse les opportunités de développement d’un nouveau label valorisant le bien-être animal. S’il existe une demande de la part des consommateurs, une telle initiative se heurterait aux mêmes difficultés que les autres signes de qualité : confusion entre labels, distorsion de concurrence, problème de redistribution de la valeur ajoutée. 

Entre Label Rouge, AB, AOP et IGP, reste-t-il une place pour un nouveau signe de qualité valorisant le bien-être animal ? Missionné par la Commission Européenne, un groupe d’experts a analysé les demandes des consommateurs et évalué plus de 50 labels existants dans les pays de l’Union, afin de fournir des éléments de réponse.

 Demande des consommateurs

Les auteurs ont ainsi sondé un panel de près de 10 000 consommateurs issus de différents pays européens. Objectifs : déterminer leur niveau de connaissance des conditions d’élevage et des normes relatives au bien-être animal (BEA) dans l’Union Européenne (UE), apprécier leur besoin en informations sur le sujet, et évaluer leur propension à payer plus cher des produits labellisés « BEA ».

Résultats : malgré un faible niveau de connaissances sur les pratiques et conditions d’élevage dans l’UE, 50 % des sondés souhaitaient être mieux informés. Pour deux tiers d’entre eux, les signes de qualité actuels ne permettent pas de choisir un produit en fonction du bien-être animal. En outre, un label « BEA » devrait tenir compte des conditions d’abattage et d’alimentation des animaux (cités par 40 % des répondants), des possibilités d’accès à l’extérieur (35 %) et de la qualité des bâtiments (28 %).  En dépit de leur impact sur le bien-être animal, les conditions de transport des animaux en revanche suscitaient peu d’intérêt parmi les personnes interrogées.

Côté financier, les consommateurs se disaient prêts à dépenser plus pour des produits labellisés BEA, sans toutefois dépasser le prix des produits bio.

 Etat des lieux des labels existants

En dépit des attentes exprimées par les consommateurs, de nombreux signes de qualité utilisés dans l’UE intègrent déjà des critères relatifs au bien-être animal, avec des exigences parfois supérieures aux réglementations nationales ou européennes. Les experts ont ainsi analysé 51 procédures de labellisation incluant le BEA, et mis en lumière leurs points faibles.

Tout d’abord, les standards utilisés pour évaluer le BEA varient significativement entre les pays membres. Une hétérogénéité des cahiers des charges qui empêche la reconnaissance des labels nationaux à l’étranger et génère des distorsions de concurrence pour les producteurs.

Sur le plan économique, les produits labellisés se vendent entre 18 et 94 % plus cher que les produits conventionnels. Une différence liée notamment à des coûts de production plus élevés, et supportée en grande partie par les producteurs. C’est le cas en élevage de poulets de chair labellisés, avec des races à croissance lente exigeant davantage d’aliments, et en élevage porcin, avec des investissements requis en matière de bâtiments. Certes, les éleveurs reçoivent une compensation financière plus élevée pour des produits labellisés. Mais cela ne suffit pas toujours à couvrir les surcoûts et à dégager une marge plus importante qu’en conventionnel (contrairement aux intermédiaires qui tirent les plus gros profits des prix élevés payés par les consommateurs).

 Un défi de taille

Les éventuelles initiatives pour développer un label européen dédié au bien-être animal devront donc surmonter plusieurs difficultés : définir un cahier des charges homogène à travers les états membres ; assurer une redistribution plus équitable de la valeur ajoutée ; dépasser la dimension « nationale » des signes de qualité qui mettent en avant la provenance locale des produits… Le tout sans rajouter à la confusion des consommateurs. Un défi de taille et un succès incertain, tant que les consommateurs ne seront pas mieux sensibilisés aux pratiques et conditions d’élevage dans l’UE. Car la connaissance la plus élémentaire constitue un préalable nécessaire à la compréhension de l’information, portée ou non par un label.

 Pour en savoir plus : European Commission, Directorate-General for Health and Food Safety, Maestre M, Campbell L, Etienne J, et al. Study on animal welfare labelling, final report, 2022.

Source : Commission européenne

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