Les recommandations du CESE pour un élevage français durable (Article d’analyse)

Dans un rapport de janvier 2024 intitulé « Relever les défis de l’élevage français pour assurer sa pérennité », le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) dresse un large panorama, croisant les sources et les points de vue, de l’ensemble des enjeux auxquels doit faire face l’élevage français (climat, bien-être animal, sanitaire, renouvellement des actifs…), ainsi que des bénéfices de cette activité millénaire. Les recommandations formulées visent à promouvoir une transition agricole adaptée qui soutient à la fois l’élevage français dans son ensemble (ruminants, porcs, volailles…) et des objectifs environnementaux et sociétaux plus larges.

L’élevage en France est confronté à des défis majeurs, notamment liés au changement climatique et aux nouvelles attentes sociétales. L’agriculture, dont l’élevage, est pointée du doigt pour sa contribution à la pollution de l’eau, de l’air et à la déforestation. Les modes de consommation évoluent, avec une baisse de la consommation individuelle de viande et de produits laitiers des Français[1]. Parallèlement, le secteur de l’élevage fait face à des difficultés de renouvellement des actifs, avec des conditions de travail difficiles et des revenus parfois faibles, ce qui a conduit à une diminution du nombre d’exploitations ces dernières années. Néanmoins, comme le souligne le rapport « toutes les études révèlent l’existence d’un indéniable cercle vertueux entre la lutte contre le changement climatique et des pratiques respectueuses du bien-être animal, moins énergivores et basées sur le pâturage, en capacité d’apporter des bénéfices environnementaux grâce à la captation du carbone et à la préservation de la biodiversité ».

Des bénéfices en termes de stockage du carbone, de santé des sols, de biodiversité…

Le texte met tout d’abord en évidence le rôle essentiel de l’élevage dans le stockage du carbone. Les prairies et les sols des terres agricoles jouent un rôle crucial dans la séquestration du carbone atmosphérique, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. Les prairies, en particulier, agissent comme des « puits de carbone » en absorbant et en stockant le carbone dans leurs sols. Néanmoins, elles régressent malgré les politiques de préservation et de maintien du fait de l’arrêt de l’élevage dans certaines exploitations.

Ensuite, l’élevage est bénéfique aux sols car il améliore leur fertilité et leur structure. Les déjections animales, telles que le lisier et le fumier composté, quand utilisés en adéquation avec les besoins des plantes, fournissent des nutriments et de la matière organique aux sols, favorisant ainsi la croissance des cultures. De plus, l’utilisation d’effluents d’élevage comme fertilisants organiques peut réduire la dépendance aux engrais de synthèse, ce qui contribue à la santé des sols et à la préservation de l’environnement : 6,2 Mha de grandes cultures et de prairies sont fertilisés exclusivement par les effluents d’élevage, ce qui représente un quart des surfaces agricoles françaises.

Sur le plan de la biodiversité, l’élevage favorise la conservation des habitats naturels, tels que les prairies et les haies, qui abritent une grande variété d’espèces végétales et animales. Les systèmes herbagers contribuent également à maintenir des paysages ouverts et diversifiés, ce qui est bénéfique pour la biodiversité et pour la résilience des écosystèmes.

… sans oublier l’aspect socioéconomique et la question plus complexe de la méthanisation

En ce qui concerne les bénéfices socioéconomiques, l’élevage représente une part importante de l’agriculture et de l’emploi rural. Il représente environ 700 000 emplois directs et indirects et joue ainsi un rôle crucial dans le maintien de l’activité économique et sociale dans de nombreuses régions, en particulier dans les zones rurales et de montagne, où il contribue à entretenir les paysages traditionnels et les modes de vie locaux. De plus, l’élevage peut avoir des retombées positives sur le tourisme, en valorisant les produits du terroir et en offrant des expériences authentiques aux visiteurs.

Enfin, le texte aborde la question de la méthanisation comme une opportunité pour l’agriculture, en tant que source d’énergie renouvelable et de valorisation des déchets organiques. Cependant, il souligne également les défis associés à ce processus, notamment en ce qui concerne son impact sur l’environnement et sur l’agriculture alimentaire. Il appelle à une approche équilibrée qui tienne compte des considérations environnementales et agricoles, et qui favorise le développement de modèles de méthanisation compatibles avec des pratiques agricoles durables.

Capitaliser sur la recherche

Pour relever ces défis et assurer la pérennité de l’élevage français, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) propose plusieurs recommandations. D’abord capitaliser sur la recherche agronomique et vétérinaire française de renommée mondiale et consolider les travaux de recherche existants pour créer un vaste programme visant à répondre aux défis actuels de l’élevage. Ces processus de recherche devront impliquer directement des éleveurs, afin de mieux prendre en compte leurs besoins et leurs pratiques. Une incitation fiscale sous forme de crédit d’impôt recherche est suggérée pour valoriser cette collaboration et encourager l’innovation sur le terrain.

Un autre point important est la nécessité d’établir une méthodologie permettant d’évaluer scientifiquement et techniquement la viabilité des projets d’élevage. Cette approche vise à garantir aux éleveurs, lors de leur installation et tout au long de leur parcours professionnel, que leurs exploitations sont économiquement viables, mais aussi socialement et environnementalement soutenables.

Accompagner les évolutions

Concernant les politiques publiques, le texte préconise une réorientation des mesures pour mieux accompagner les transitions dans le secteur de l’élevage. Il suggère ainsi une évaluation des politiques agricoles en cours, en vue de préparer la prochaine Politique agricole commune (PAC) de 2027. L’objectif est de favoriser une approche plus adaptée aux réalités locales et régionales, notamment en soutenant la polyculture-élevage et les filières diversifiées. Parallèlement, il est proposé de mettre en place des plans d’investissements et de transformation à l’échelle des territoires, afin de mobiliser les ressources nécessaires pour soutenir les filières d’élevage locales. Ces initiatives visent à maintenir ou à rétablir des chaînes de valeur territoriales, en favorisant notamment l’installation et la transmission des exploitations agricoles.

Sensibiliser et informer les consommateurs

Enfin, le texte souligne l’importance d’informer et de sensibiliser les consommateurs sur les enjeux de l’élevage. Il propose diverses actions de communication adaptées à différents publics, telles que des programmes scolaires et des visites de fermes, afin de promouvoir les modèles d’élevage durables et de contrer les idées reçues négatives véhiculées par les médias et la publicité. Il insiste également sur la nécessité de garantir la traçabilité des produits, en particulier en ce qui concerne l’indication de l’origine nationale des viandes et des produits laitiers, pour permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés et de soutenir les filières françaises respectueuses de normes élevées.

Source : Cese

[1] Cette baisse est observée individuellement. Au niveau national, la consommation globale augmente du fait de l’augmentation de la population. (FranceAgriMer, La consommation des produits carnés en 2021)

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