La kisspeptine C6, une alternative à l’utilisation d’hormones pour gérer la reproduction en élevage

Des chercheurs de l’Inra et du CNRS ont développé une molécule permettant d’induire un cycle de reproduction en dehors de la saison naturelle chez la chèvre et la brebis. Cette molécule est un peptide de synthèse, appelée « kisspeptine C6 ». Elle représente une alternative particulièrement intéressante à l’utilisation d’hormones issues de sérums animaux (en particulier l’equine chorionic gonadotropin ou eCG). Publiés dans PLOS ONE le 28 mars 2019, les résultats de ces travaux ouvrent des perspectives pour de nouvelles stratégies de maîtrise de la reproduction des animaux, pour des systèmes d’élevage plus durables, plus respectueux de l’environnement, ainsi que de la santé des animaux et des Hommes.
Dans les régions tempérées, la reproduction naturelle de la chèvre et de la brebis est rythmée par les saisons et les naissances ont lieu au printemps. Pour produire du lait toute l’année afin de répondre à la demande des consommateurs, les éleveurs utilisent des traitements hormonaux, qui permettent d’obtenir des naissances à l’automne. Ces traitements impliquent le plus souvent le recours à un analogue de la progestérone et à la gonadotropine chorionique (eCG) issue de sérum de juments gestantes. Cependant, cette méthode présente des inconvénients liés à des risques sanitaires potentiels et à une diminution de son efficacité sur le long terme du fait d’une réaction immunitaire des animaux contre l’eCG. De plus, la production d’eCG pose des questions de bien-être animal pour les juments dont elle est issue. Des méthodes alternatives (effet mâle* ou traitements photopériodiques par exemple) existent, mais ne répondent pas de façon complètement satisfaisante aux besoins de tous les éleveurs.
Exploiter le rôle central de la kisspeptine
Des recherches menées sur les petits ruminants (brebis et chèvre) ont démontré le rôle central d’un neuropeptide endogène nommé kisspeptine sur le déclenchement du cycle de reproduction. Cependant, du fait de ses caractéristiques, ce peptide n’est pas utilisable en l’état par les éleveurs. Les scientifiques de l’Inra et du CNRS se sont attachés à modifier la molécule et sont ainsi parvenus à synthétiser une molécule analogue utilisable en élevage : la kisspeptine C6.
Plus récemment, ces mêmes équipes ont évalué, chez des chèvres, les effets de la kisspeptine C6 sur les concentrations d’hormones gonadotropes (l’hormone folliculo-stimulante (FSH) et l’hormone lutéinisante (LH)) et les capacités de reproduction. Leurs résultats démontrent l’efficacité du C6 pour déclencher l’ovulation en remplacement de l’eCG. En effet, le C6 augmente la sécrétion des gonadotrophines endogènes quelle que soit la période –au début et au cours de la saison de reproduction ou pendant la saison de repos sexuel – et déclenche des ovulations fertiles. En plus de son effet sur la régulation de la reproduction, le C6 est moins susceptible d’induire une réponse immunitaire et évite des risques sanitaires pour l’animal.
Cette découverte permet donc d’envisager l’arrêt de l’utilisation de l’eCG et de fait, son extraction chez des juments gestantes pour un meilleur respect du bien-être de ces animaux. Les perspectives de recherche s’orientent par ailleurs vers la possibilité de gérer la reproduction d’autres espèces domestiques et d’espèces sauvages en voie d’extinction en utilisant la kisspeptine C6.
* L’« effet mâle » est une méthode qui met à profit un phénomène naturel. Elle consiste à introduire un mâle dans un troupeau de femelles durant sa période de repos sexuel. Cela a pour conséquence d’engendrer une reprise des cycles de chaleur ; même si tous les individus ne réagissent pas de la même façon.
Source : Inra.
À voir aussi
-
Santé animale6 juin 2025
Santé animale 2.0 : le numérique au service des éleveurs bovins
Les technologies ont un impact grandissant dans notre société touchant tous les secteurs, dont la gestion de la santé animale. Les objets connectés, tels que capteurs et dispositifs de surveillance, fournissent des données précieuses pour le pilotage zootechnique et économique des exploitations. Des initiatives innovantes, comme la télémédecine et le télé-mentorat, sont présentées renforçant le… -
Maladies animales et zoonoses6 juin 2025
L’Anses progresse dans la compréhension de la persistance du virus de la fièvre aphteuse
La fièvre aphteuse demeure l'une des maladies animales virales les plus contagieuses, affectant plus de 70 espèces domestiques et sauvages, notamment les bovins, porcins, ovins et caprins. Même les pays indemnes ne sont pas à l'abri, comme l'ont montré les récents cas en Allemagne, Hongrie et Slovaquie depuis janvier 2025. Depuis plus de 50 ans,… -
Maladies animales et zoonoses6 juin 2025
Le manque de vétérinaires en zones rurales, un défi territorial
Le manque de vétérinaires en zones rurales compromet la santé animale, la détection des maladies, y compris les zoonoses, et la vitalité économique des filières d'élevage. Cette désertification vétérinaire aggrave les conditions de travail des praticiens restants et fragilise les territoires. Déplorant cette situation, le ministère de l’Agriculture publie un dossier sur le sujet. On…