Expansion de l’élevage, perte de biodiversité et risques épidémiques : quels liens ? (Article de synthèse)

L’expansion de l’élevage à travers le monde est-il un facteur de risque d’émergence de maladies infectieuses ? Une récente étude menée par un chercheur Cirad/ CNRS explore les liens entre la croissance du cheptel mondial, la perte de biodiversité et les épidémies humaines et animales.

La pandémie de Covid-19 fait ressurgir une question récurrente depuis plusieurs années maintenant : celle des liens entre le recul de la biodiversité, l’expansion de l’élevage et l’émergence de maladies infectieuses et d’épidémies. Une récente étude publiée dans la revue Biological Conservation s’est penchée sur le sujet.

Des tendances fortes à l’échelle mondiale

Pour étudier les liens entre ces grandes tendances mondiales, Serge Morand, chercheur Cirad/CNRS à l’origine de l’étude, a croisé plusieurs bases de données mondiales ouvertes sur la santé humaine (GIDEON), la santé animale (WAHIS), l’élevage (FAOSTAT) et la biodiversité (données de l’UICN) et ce, sur de longues périodes (jusqu’à 1960-2019). Premier constat : tous les indicateurs étudiés – qu’il s’agisse du nombre d’épidémies humaines, d’épidémies animales, de têtes de bétail ou d’espèces menacées – ont tous connu une forte hausse sur la période étudiée. Entre 1960 et 2016, le nombre de têtes de bétail est ainsi passé de moins de 500 millions à 1,2 milliard. Seul le nombre d’épidémies humaines affiche, après une forte hausse depuis 1960, une baisse sur ces dernières années.

Corrélations positives

Le chercheur s’est ensuite intéressé aux corrélations entre ces différents indicateurs. Il montre notamment que le nombre d’épidémies humaines est corrélé positivement au nombre d’espèces menacées, mais seulement jusqu’en 2011 ; en revanche, le nombre d’épidémies humaines est corrélé positivement au nombre de têtes de bétail sur toute la période étudiée, de même que le nombre de têtes de bétail et le nombre d’espèces menacées. Selon l’auteur de l’étude, ces résultats suggèrent que « la croissance mondiale de l’élevage menacerait la biodiversité et augmenterait les risques sanitaires pour les humains et les animaux domestiques ».

« Réfléchir à la place de l’animal d’élevage »

De par sa portée géographique et temporelle, cette étude apporte des bases de réflexion intéressantes. Elle reste toutefois une étude de corrélation (et non de causalité) et présente plusieurs limites. L’élevage est par exemple considéré dans sa globalité (nombre mondial de têtes de bétail), alors que l’impact de l’élevage sur la biodiversité et les risques sanitaires dépend largement du type d’élevage et qu’il existe une grande disparité dans les conduites d’élevage, a fortiori sur la période étudiée (1960-2016).

« Cette étude invite à réfléchir à la place de l’animal d’élevage et de sa croissance dans le monde qui varie selon différents facteurs à travers les nations (démographie humaine, régimes alimentaires, etc.). Une nouvelle vision intégrant les valeurs culturelles associées aux animaux est donc nécessaire à la réflexion sur la place commune des animaux sauvages et domestiques pour diminuer les risques sanitaires et protéger la biodiversité. De futures réflexions seront notamment menées sur le rôle joué par le bétail en situation pandémique avec, d’une part, la demande en protéines végétales nécessaires à sa nourriture qui contribue à la diminution des aires d’animaux sauvages ; mais aussi sa place en tant que pont épidémiologique favorisant le passage des agents infectieux du monde animal à l’espèce humaine », commente l’auteur de l’étude dans un communiqué de presse du CNRS dédié à ces travaux.

Référence : Morand S. Emerging diseases, livestock expansion and biodiversity loss are positively related at global scaleBiol Conserv. 2020; 248:108707. doi:10.1016/j.biocon.2020.108707

 

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