Critique des schémas de classification de la cancérogénicité s’appuyant sur la seule détermination du danger

Une dizaine de chercheurs et consultants anglais, américains et italiens se sont réunis pour rédiger cet article de synthèse scientifique sur les méthodes et approches d’évaluation de la cancérogénicité pour l’Homme de substances chimiques dont certains aliments. Il rappellent que la prévention des cancers est le principal objectif de l’évaluation du potentiel cancérogène des substances chimiques chez l’Homme. Or, selon ces auteurs, cet objectif est miné par la confusion résultant de déclarations contradictoires émanant de multiples agences internationales et nationales. Le problème provient des différences de concepts et d’approches utilisés, dont certains ont été élaborés il y a un demi-siècle. Leur pertinence, déjà discutable à l’époque est pour, eux, aujourd’hui clairement en désaccord avec les progrès de la science et avec la réglementation actuelle. Les schémas de classification de la cancérogénicité uniquement liés à la détermination du danger, comme procèdent les monographies du IARC/CIRC ou le système de l’ONU adopté par l’Union Européenne sont à ce titre des concepts démodés. Ils sont basés sur un concept développé dans les années 70 formulant l’hypothèse que les produits chimiques appartiennent à 2 catégories : les composés cancérigènes et ceux non cancérigènes. L’hypothèse était qu’une réduction importante de l’incidence du cancer se produirait si nous pouvions identifier les composés «cancérigènes» et, par conséquent, les remplacer par des «non cancérigènes». Ce concept a conduit à la seule utilisation de l’identification des dangers pendant près d’un demi-siècle. Il a également été à la base de l’utilisation de la dose maximale tolérée dans les études sur les animaux, censée optimiser les chances d’identifier des composés «cancérigènes». Ce classement met dans la même catégorie des produits chimiques et des agents aux puissances et modes d’action très différents. La consommation de viande transformée appartient alors à la même catégorie que l’exposition au gaz moutarde (groupe 1). Aujourd’hui, on connait mieux la complexité de la biologie et de l’étiologie du cancer, plus particulièrement de la manière dont l’exposition chimique peut conduire au cancer, et l’idée d’une séparation binaire entre «cancérigènes» et «non cancérigènes» s’est avérée trop simpliste. En effet, un très large éventail de produits chimiques provoque le cancer dans des circonstances expérimentales, dont beaucoup sont inadaptées à la situation de l’homme ou aux niveaux d’exposition actuels. Les approches fondées sur les dangers ainsi que sur la caractérisation des risques offrent une vision intégrée et équilibrée des risques, de la dose-réponse et de l’exposition. Elles permettent de prendre des décisions éclairées pour la gestion des risques. Avec un cadre décisionnel fondé sur les risques considérant pleinement le danger en prenant en compte la dose, la puissance, et l’exposition, les conséquences imprévues d’une approche seulement basée sur le danger sont évitées, comme, les crises sanitaires, les coûts économiques inutiles, la perte de produits bénéfiques, l’adoption de stratégies avec des coûts plus élevés pour la santé, et le détournement de fonds publics dans des recherches inutiles. Une initiative permettant de se mettre d’accord sur une méthodologie commune et internationale d’évaluation des cancérogènes, est aujourd’hui nécessaire. Il existe déjà des initiatives de ce type (Health Canada 2000, WHO IPCS 2010, EFSA 2013). Cette approche devra intégrer les principes et les concepts de cadres fondées sur les consensus internationaux existants, y compris celui adopté par le programme international sur la sécurité des substances chimiques de l’OMS (IPCS). Source : Boobis, A., Cohen, S., Dellarco, V., Doe, J.E., Fenner-Crisp, P.A., Moretto, A., Pastoor, T.P., Schoeny, R., Seed, J., Wolf, D.C. Classification schemes for carcinogenicity based on hazard-identification have become outmoded and serve neither science nor society. Regulatory Toxicology and Pharmacology (2016), doi: 10.1016/j.yrtph.2016.10.014.

Article 50/59 du dossier "Viande, alimentation et cancer"

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