Coronavirus humains et animaux : le dossier de l’Académie Vétérinaire de France (Article d’analyse)

L’Académie Vétérinaire de France met en ligne un dossier dédié au Covid-19, en libre accès sur son site internet, et régulièrement mis à jour. Si certains onglets renvoient vers des publications et avis scientifiques très récents en lien avec l’actuelle pandémie, tandis que d’autres rassemblent des données plus anciennes et généralistes sur les coronavirus, ce dossier montre à quel point la santé humaine et animale sont liées.

Populations confinées, hôpitaux saturés, soignants débordés…La diffusion mondiale d’une nouvelle maladie contagieuse apparue en Chine fin 2019, et désormais connue sous l’appellation Covid-19, a pris les institutions gouvernementales et sanitaires au dépourvu dans de nombreux pays. En cause ? Un coronavirus d’origine animale, inconnu jusqu’alors, et baptisé SARS-CoV-2 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ce virus, appartenant à une famille virale caractérisée par un fort pouvoir évolutif, fait l’objet d’un effort de recherche mondial.

Un nouveau virus dans une famille bien connue

L’analyse génétique des coronavirus permet de les classer en quatre groupes distincts, alpha, béta, gamma et delta, eux-mêmes divisés en sous-groupes. Les alpha et beta-coronavirus affectent les mammifères, dont l’Homme, chez qui ils provoquent essentiellement des infections respiratoires bénignes, alors que les gamma et delta-coronavirus ne concernent que les animaux. Les coronavirus qui touchent les êtres humains ne peuvent généralement pas infecter les animaux et réciproquement.

Le SARS-CoV-2, appartient au groupe des beta-coronavirus, et plus précisément au sous-groupe des Sarbecovirus, comme le SARS-CoV-1. Ce dernier, apparu en 2002 à Hong-Kong, avait entrainé la première épidémie de SRAS (1) (8 000 personnes contaminées, 800 décès). SARS-CoV-1 et 2 sont très proches. En 2012 un autre coronavirus était identifié au Moyen-Orient, chez des patients atteints de pneumonies graves : le MERS-CoV, un beta-coronavirus, classé dans un sous-groupe différent (Merbevirus) car moins proche génétiquement. La pandémie actuelle due au SARS-CoV-2 représente donc la troisième émergence d’un coronavirus en moins de 20 ans.

Caractéristiques communes de ces coronaviroses émergentes : leur origine animale et leur cycle de transmission impliquant une espèce « réservoir » de la maladie (chez qui le virus circule sans créer de signes cliniques) et une espèce intermédiaire (infectée par le virus suite à un contact avec l’espèce réservoir) assurant le passage à l’Homme. Si les chauves-souris ont joué le rôle de réservoir pour les trois virus, des espèces différentes ont servi d’hôtes intermédiaires : la civette palmée dans le cas du SARS-Cov-1, le dromadaire pour le MERS-CoV et probablement le pangolin pour le SARS-CoV-2.

Pour Philippe Sansonetti, professeur en microbiologie et maladies infectieuses au collège de France, ces trois virus, ayant acquis la capacité d’infecter l’Homme à partir d’un réservoir animal, constituent des exemples de « saut d’espèce réussi » (Sansonetti, 2020).

Coronavirus animaux : quels risques pour la santé humaine ?

Chez les animaux domestiques et d’élevage, les coronavirus occasionnent des maladies bénignes (dysenterie d’hiver ou grippe chez les bovins adultes) à sévères (diarrhée néonatale des jeunes ruminants, gastroentérite transmissible du porcelet, bronchite infectieuse aviaire, péritonite infectieuse féline…).

Des mutations de coronavirus animaux ont déjà été observées par le passé. Dans les années 1980, une maladie respiratoire bénigne mais très contagieuse a rapidement diffusé dans le cheptel porcin européen. Les recherches ont montré alors que le pathogène en cause était issu d’une mutation du coronavirus responsable de la gastro-entérite transmissible du porcelet. Le nouveau virus ne ciblait plus le tube digestif, mais l’appareil respiratoire. Il avait perdu en virulence (peu de mortalité associée) mais gagné en contagiosité.

Un phénomène similaire a été observé dans la filière avicole, où une mutation du coronavirus responsable de la bronchite infectieuse aviaire a fait apparaître un virus moins pathogène sur le plan respiratoire, la maladie se manifestant essentiellement par des baisses de ponte. Ainsi, les mutations n’entraînent pas toujours l’apparition de virus plus pathogènes ou de saut d’espèce (Vannier et al., 2003).

Les coronavirus actuellement connus chez les animaux d’élevage possèdent une bonne spécificité d’hôte : les virus des bovins ne peuvent pas se développer chez d’autres espèces et réciproquement. Pour infecter un organisme, les virus doivent en effet se lier à un récepteur cellulaire afin de pénétrer dans les cellules pour s’y multiplier. Si ce récepteur n’existe pas, ou présente une structure trop différente dans une autre espèce, un virus, même mutant, ne pourra pas générer d’infection.

Dans le cas du SARS-CoV-2, le récepteur du virus existe chez de nombreuses espèces animales, avec des structures plus ou moins proches (Jiumeng et al., 2020). Les analyses de prélèvements issus de chiens vivant avec des personnes atteintes de Covid-19 ont permis de détecter la présence du virus à partir d’écouvillons nasaux, ainsi que des anticorps sanguins, témoins de l’infection. Cependant, comme le soulignent les experts de l’Académie nationale de Médecine dans un communiqué, “rien n’indique en revanche, pour le moment, que les chiens peuvent à leur tour contaminer, par des aérosols ou la salive, des personnes non infectées ou d’autres animaux rencontrés”. Pour autant, ces données soulignent la nécessité d’études spécifiques, permettant d’évaluer la circulation du SARS-CoV-2 chez les animaux domestiques (Leroy et al., 2020). Dans cette attente, les académiciens préconisent de séparer les patients porteurs du SARS-CoV-2 de leur animal.

L’expertise en santé animale au service du diagnostic et de la thérapeutique

Face à la pandémie de Covid-19, l’Académie Vétérinaire, appuyée par l’Académie de Médecine, a incité les institutions sanitaires françaises à faire appel à l’expertise des laboratoires privés et publics en santé animale.

Les fabricants de réactifs vétérinaires, déjà sollicités dans d’autres pays européens, possèdent en effet l’expérience du diagnostic des coronavirus et la capacité de produire des milliers de tests par mois. Les laboratoires vétérinaires départementaux, agréés par le ministère de l’Agriculture pour la réalisation des analyses sanguines des animaux de rente dans le cadre des prophylaxies obligatoires, possèdent des équipements leur permettant de traiter de très nombreux prélèvements. Depuis le 6 avril 2020, un arrêté(2) autorise le recours à ces laboratoires publics, afin de renforcer les capacités de diagnostic du Covid-19.

Sur le plan thérapeutique, la communauté scientifique se mobilise pour imaginer et tester différentes solutions : fabrication de vaccins, utilisation de molécules antivirales, de sérums, de molécules anti-inflammatoires… L’expérience acquise dans le développement de vaccins chez les animaux (bovins, porcs, chats…) pourrait là aussi s’avérer utile.

 

Le concept « One Health, une seule santé » plus que jamais d’actualité

Les zoonoses représentent plus de 65 % des maladies émergentes (Ebola, fièvre hémorragique de Crimée-Congo, encéphalite à virus Nipah…) et constituent une priorité pour la recherche médicale. La préservation des écosystèmes constitue un autre aspect de la lutte contre ces maladies, comme l’indique un article signé de chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Des études suggèrent en effet que les modifications des interactions entre l’Homme et la faune sauvage, réservoir potentiel d’agents pathogènes, jouent un rôle majeur dans l’émergence de nouvelles maladies. La lutte contre ces maladies passera donc par la mise en pratique de la démarche « One health » prônée par l’OMS : une seule santé, pour l’homme, l’animal et l’environnement.

(1)  SRAS : Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (Severe Acute Respiratory Syndrome en anglais)

(2) Arrêté du 5 avril 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, publié le 6 avril 2020 au Journal officiel.

Lire aussi le dossier du CIV « Zoonoses et animaux d’élevage »

Source : Académie Vétérinaire de France

 

 

Article 1/15 du dossier "Covid-19"

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