Rapport du CGAAER sur l’impact de la loi d’avenir de l’agriculture sur la prescription vétérinaire d’antibiotiques critiques

Le CGAAER a été chargé de réaliser une étude d’impact d’une des dispositions de la loi d’avenir de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt de 2014 encadrant la prescription vétérinaire des antibiotiques critiques.
La lutte contre la résistance des bactéries aux antibiotiques constitue un des défis sanitaires majeurs du 21e siècle. Les antibiotiques critiques sont ceux dont l’efficacité doit être prioritairement préservée dans l’intérêt de la santé humaine et de la santé animale.
Les textes réglementaires issus de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et de la forêt (décret du 16 mars 2016 et arrêté du 18 mars 2016), visent à limiter la contribution des antibiotiques utilisés en médecine vétérinaire à l’émergence et au développement de résistances bactériennes et à préserver de façon durable l’efficacité de l’arsenal thérapeutique, en particulier celle des antibiotiques critiques.
Méthodologie
La mission a pris connaissance des données concernant l’évolution de l’exposition des animaux aux antibiotiques critiques, ainsi que de l’évolution de la résistance de bactéries zoonotiques à ces antibiotiques au cours des deux dernières années.
Elle a par ailleurs réalisé un état des lieux de l’application du décret du 16 mars 2016 et de l’arrêté du 18 mars 2016 en repérant les éventuelles difficultés. Elle a enfin tenté d’évaluer les impacts technique, sanitaire et économique de ces dispositions réglementaires dans les différentes filières animales, en consultant les parties prenantes de la médecine vétérinaire.
Résumé
La réduction de l’usage des antibiotiques critiques en médecine vétérinaire a été largement initiée à partir des années 2010-2012.
Entre 2014 et 2016 l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires a sensiblement amplifié cette tendance. La question du lien entre la résistance bactérienne et l’exposition des animaux aux antibiotiques est complexe. Toutefois, il apparaît à travers le suivi réalisé par le réseau Résapath que la réduction de l’usage des antibiotiques critiques liée à l’application de la réglementation de 2016 s’est accompagnée d’un repli de la résistance d’E.coli aux antibiotiques critiques, avec cependant des différences notables selon les espèces animales.
L’observation des pratiques montre que l’usage préventif des antibiotiques critiques est aujourd’hui quasiment abandonné, en particulier chez les animaux de rente.
Pour assurer la cohérence du dispositif réglementaire, il conviendrait :
- au plan français, d’exclure tous les antibiotiques du volet « prévention » du protocole de soins,
- au niveau communautaire, de promouvoir la vaccination en donnant aux éleveurs accès à la publicité sur les vaccins.
Pour compenser l’écart technique réel existant entre les antibiotiques critiques et les antibiotiques classiques, le diagnostic vétérinaire doit encore progresser en précocité et en précision. Dans cet objectif, l’accès du vétérinaire à toutes les données concernant les animaux dont il assure le suivi sanitaire doit être facilité (résultats d’analyses et de prophylaxies réalisées par divers organismes, performances techniques, saisies en abattoir…).
Afin de poursuivre la démarche d’usage prudent et raisonné des antibiotiques critiques, les outils de formation/information des vétérinaires praticiens doivent être adaptés. Dans cet esprit, tous les guides de bonnes pratiques, fiches techniques et autres documents techniques doivent être mis à jour pour tous les types de production, en y intégrant les dispositions spécifiques applicables aux antibiotiques critiques.
Afin d’être en mesure d’évaluer eux-mêmes leurs pratiques, les éleveurs doivent pouvoir à moyen terme disposer de références sur le recours aux antibiotiques critiques fixant des objectifs quantitatifs de réduction, établies pour chaque espèce et chaque type de production.
L’effort remarquable de réduction de l’usage des antibiotiques critiques en médecine vétérinaire est exigeant pour les éleveurs et les vétérinaires français. Le risque de découragement est réel s’il ne s’accompagne pas d’une valorisation des produits sur le marché communautaire et international.
Source : Alim’Agri.
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