Quel impact des démarches RSE sur la transition agroécologique ? (Article d’analyse)
Les filières agro-alimentaires sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans des démarches RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Le CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) a été chargé d’évaluer l’impact de ces dernières sur la transition agroécologique et sur la chaîne de valeur associée.
La production agricole et l’agro-industrie sont des acteurs majeurs d’une alimentation durable, la première en s’engageant en faveur de l’agroécologie et la seconde, à travers le déploiement de politiques RSE. Par lettre de mission du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, le CGAAER a été chargé d’évaluer l’impact du déploiement des démarches RSE sur la transition agroécologique et d’identifier les leviers qui permettront de promouvoir ces démarches vertueuses. Les orientations RSE de trois filières ont été détaillées, dont celle de la viande bovine, engagée à travers le « Pacte pour un engagement sociétal » d’Interbev.
Des filières engagées
Un premier enseignement du rapport est que les filières se sont toutes engagées dans des démarches RSE ou de type RSE. Et s’il est « difficile voire impossible d’évaluer l’impact réel des engagements des différentes filières en matière environnementale ou de bien-être animal », le rapport souligne que « le cap est toutefois donné et la transition agroécologique semble désormais intégrée à l’ADN de toutes les filières ». Y est détaillé le Pacte sociétal d’Interbev qui formalise les engagements de la filière viande bovine sur quatre enjeux majeurs : préservation de l’environnement, protection des animaux, juste rémunération des acteurs de la filière et attractivité des métiers, alimentation responsable. Si des engagements ambitieux sont pris, notamment dans les filières d’élevage, sur les sujets des gaz à effet de serre, du bien-être animal ou encore sur la contractualisation, les auteurs constatent que la performance environnementale est freinée par la trop faible performance économique.
Un frein majeur : le manque de création de valeur en amont
Si de nombreuses bonnes pratiques existent aujourd’hui, le rapport soulève un frein majeur au déploiement de la transition agroécologique : l’absence de création de valeur pour l’amont agricole. La valeur économique se concentre vers l’aval, dans un rapport de force en faveur des distributeurs et de quelques industriels, tandis que l’amont agricole ne récolte que 6% à peine de la valeur totale de l’alimentation. Cette situation économique précaire freine la mise en place d’investissements et de nouvelles pratiques dans les exploitations agricoles. Dans la filière viande bovine par exemple, des engagements ambitieux sont pris, notamment dans les filières d’élevage, sur les sujets des gaz à effet de serre, du bien-être animal ou encore sur la contractualisation. Mais la démarche RSE n’a pas encore permis de dégager dans les élevages les économies nécessaires au financement de la transition écologique.
La structuration des secteurs et la contractualisation des échanges permettront d’équilibrer les rapports de force entre les parties et de mieux répartir la valeur ajoutée.
Accompagner la juste information du consommateur
A l’autre bout de la chaîne, le rapport s’intéresse aussi aux consommateurs, acteurs clés de la transition agroécologique. Si une part croissante se déclare concernée par ces sujets, les consommateurs français sont globalement perdus dans la jungle des allégations et des labels ; seul le label bio semble tirer son épingle du jeu. Ils se rassurent avec les signes d’identification de qualité et d’origine, même si ce ne sont pas des vecteurs de l’agroécologie.
Quant à la certification environnementale, elle ne fait pas encore consensus et est peu connue du consommateur. « Tous les acteurs de la filière vont devoir relever le défi de l’affichage environnemental avec, compte tenu de l’expérience du Nutriscore, de nombreux pièges à éviter », commentent les auteurs. Sur ce sujet, le CGAAER souligne les limites de la méthode ACV et alerte sur l’irruption des GAFA dans le paysage de la notation environnementale, qui tendent à imposer arbitrairement leurs références sans se préoccuper des conséquences pour les producteurs. Les auteurs appellent urgemment le gouvernement à évaluer l’impact d’un tel affichage sur les filières. Ces derniers soulèvent une autre question particulièrement délicate : celle de la capacité à payer pour les ménages les plus précaires. Ils proposent de creuser la piste des « bons alimentaires », comme ceux mis en place aux USA depuis plusieurs années.
Cinq recommandations
Enfin, le CGAAER explore les leviers financiers et non financiers pour promouvoir les démarches vertueuses (dernier chapitre du rapport). ll émet in fine cinq recommandations pour accompagner la transition agroécologique, sur l’encadrement des labels, l’objectivation des coûts de transition, l’acceptation de l’inflation en lien avec la mise en place de bons alimentaires, la stratégie numérique et l’harmonisation européenne des certifications et scorings (voir encadré). « Il est apparu au cours de cette mission que la question de fond était de concilier le temps relativement long de l’agriculture et des filières agroalimentaires au rythme frénétique et à l’avenir très incertain de notre société numérique et mondialisée », concluent les auteurs.
Liste des recommandations
Source : Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
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