L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France passée au crible (Article de synthèse)

La biodiversité et les écosystèmes continuent à se dégrader rapidement, malgré l’adoption par la communauté internationale des objectifs communs d’Aichi. Dans son projet CECAM (Contenu énergétique et carbone de l’alimentation des ménages) paru en janvier 2019, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) dresse un bilan énergétique de la consommation alimentaire des ménages en France métropolitaine et propose des leviers d’action pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La question de l’alimentation est cruciale, car elle se situe au carrefour des préoccupations sociales, sanitaires, économiques et environnementales. En moyenne, un Français ingère chaque jour environ 2,4 kg d’aliments, dont la moitié d’aliments solides et la moitié de boissons. Parmi les aliments solides se trouvent deux tiers de produits d’origine végétale et un tiers de produits d’origine animale. Pour évaluer l’impact environnemental de l’alimentation en France, les auteurs du rapport ont opté pour une approche globale, du champ à l’assiette, incluant les systèmes de production, de transformation et de consommation.

Des émissions de GES émanant principalement du secteur agricole

Selon le périmètre d’étude retenu, le projet CECAM évalue à 163 Mt éqCO2 (millions de tonnes d’équivalents CO2), les émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) associées à l’alimentation en France, soit 24 % de l’empreinte carbone totale des ménages évaluée en 2012.

Pour arriver à cette empreinte, les chercheurs ont tout d’abord calculé les émissions de GES de notre alimentation au stade agricole en tenant compte, d’une part, des émissions de méthane dues aux fermentations entériques et aux déjections d’élevage et, d’autre part, des émissions de protoxyde d’azote liées à l’usage d’engrais azotés (respectivement 29 % et 23 % du bilan carbone total). Ils sont parvenus au chiffre de 118 Mt éqCO2, auquel ils ont ensuite ajouté les GES liées aux denrées agricoles importées (fruits, légumes, poisson, tourteaux de soja et viande) et déduit celles des denrées exportées par la France (la moitié de sa production de céréales et un tiers de son lait). In fine, la production agricole représente le premier poste d’émissions de GES en France pour un total de 109 Mt éqCO2.

Transports, cuisson et chauffage des denrées : des postes d’émissions à réduire

Second secteur à l’origine d’émissions de GES liés à l’alimentation : celui des transports, avec 30 Mt éqCO2. Ce chiffre englobe les transports de marchandises et les déplacements des ménages liés aux achats alimentaires et à la restauration hors domicile. Si la majorité du trafic de produits alimentaires se fait par voie maritime, c’est le transport routier, générant davantage de GES au kilomètre, qui serait à l’origine de l’essentiel des émissions de CO2 liées au transport, avec 18,4 MtéqCO2. L’avion représente quant à lui, une part infime de la demande de transport (0,5 %), mais son impact est significatif : 1,1 Mt éqCO2. Enfin, les déplacements des ménages pour l’alimentation induisent l’émission de 8,5 Mt éqCO2, avec en moyenne 1 360 km/personne/an.

Le secteur résidentiel-tertiaire, qui inclut la distribution des produits alimentaires et la préparation des repas au domicile et en restauration hors domicile, se classe quant à lui au troisième rang des secteurs les plus émetteurs de GES relatifs à l’alimentation avec 11 Mt éqCO2. Les usages qui ont recours aux énergies fossiles, sont ceux qui pèsent le plus. Ainsi, la cuisson et le chauffage représentent respectivement 47 % et 31 % des émissions de ce secteur.

Potentiel de réduction des émissions de GES

Les auteurs du rapport estiment que la réduction des émissions de GES peut se faire à tous les niveaux du système alimentaire, mais que des efforts en amont pourraient être très significatifs. Une piste, selon eux : réduire les parts de viande et de produits laitiers du régime alimentaire des Français au profit des aliments végétaux. Une solution qui, d’après leur simulation, permettrait de réduire considérablement l’empreinte carbone du stade agricole, à condition qu’elle soit associée à des pratiques agricoles plus économes en intrants et à une réallocation des terres agricoles. Des efforts en aval du système alimentaire, tels que la réduction des pertes, le changement de mode de transport ou des évolutions technologiques pourraient également avoir des effets significatifs, quoi que plus diffus.

Enfin, pour diminuer l’empreinte globale de l’alimentation des Français, le projet CECAM appelle à réduire avant tout la consommation énergétique, évaluée à 31,6 Mégatonnes d’équivalents pétrole. Le secteur des transports est à l’origine de la plus large part de cette empreinte énergétique (31 %), suivi du secteur agricole (27 %), des industries agroalimentaires (15 %), du résidentiel (14 %) et du tertiaire (13 %). Les auteurs du rapport prônent donc la limitation des besoins et l’incitation à des mesures d’efficacité énergétique.

Source : Arbier C, Couturier C, Pourouchottamin P, Cayla JM, Sylvestre M, Pharabod I. L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France. Club Ingénierie Prospective Energie et Environnement, Paris, IDDRI, 24p. Janvier 2019.

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