Le CEP décrypte les changements sociétaux à l’origine de notre nouveau rapport à la viande (Article de synthèse)

Quelles sont les mutations de la société qui expliquent l’origine, l’ampleur et le sens des changements des conduites alimentaires ? Telle est la question à laquelle répond le document de travail n°13 publié par le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture. Sous le titre Transformations sociétales et grandes tendances alimentaires, ce document livre des éléments pour mieux comprendre notre nouveau rapport à la viande.

Exercices de prospective, travaux de recherche, études statistiques, rapports d’ONG, enquêtes d’opinion… De nombreuses publications documentent les tendances alimentaires, en France ou à l’international. Mais rares sont les travaux de vulgarisation présentant les évolutions sociétales à l’origine de ces tendances. Le raisonnement est donc souvent incomplet : les changements des conduites alimentaires sont assez bien anticipés et décrits, mais sans être vraiment expliqués, ni reliés à des mutations de la société permettant d’en saisir l’origine, l’ampleur et le sens. Un vide qu’entend combler le document de travail n°13 publié par le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture, sous le titre : Transformations sociétales et grandes tendances alimentaires.

Six moteurs sociétaux

En pratique, le rapport analyse six grands moteurs sociétaux, présentés sous la forme d’autant de fiches, qui rendent compte de certaines des transformations du système alimentaire : l’individualisation croissante des rapports humains, la segmentation communautaire et réticulaire du système social, les nouveaux rapports au temps et l’accélération des rythmes de vie, la féminisation de la société, la sensibilité grandissante aux questions de santé et de bien-être, et enfin l’affirmation de nouvelles représentations de la nature. Avec une hypothèse sous-jacente : chacune des tendances retenues devrait s’amplifier voire se généraliser à toute la population.

Deux de ces moteurs s’avèrent particulièrement influent sur la consommation alimentaire de viande : la féminisation de la société d’une part, et les nouvelles représentations de la nature d’autre part.

 Conséquences alimentaires de la féminisation de la société

La féminisation de la société induit une influence croissante de la manière d’agir, de penser et de sentir des femmes, dont les valeurs diffusent dans toute la société. Les conduites alimentaires s’en trouvent impactées : développement du végétarisme et du flexitarime, plus forte sensibilité à l’écologie et à l’animalisme… Il en va de même des consommations alimentaires : les femmes vivant seules achètent par exemple plus de fruits et légumes, moins de viande et d’alcool, font les courses plus souvent, sont plus sensibles au gaspillage alimentaire, etc. De plus, les femmes deviennent des prescripteurs de plus en plus influents – et recherchés par les marketeurs – de la consommation de leur entourage.

La féminisation des consommations alimentaires se traduit par l’achat préférentiel de certains types et gammes de produits, par une attention portée aux origines et propriétés, aux labels et allégations, par des évolutions significatives en termes de budget, de volumes achetés, de taille des portions…

Conséquences alimentaires des nouveaux rapports à la nature

Autres points abordés : la montée de la cause animaliste. Un phénomène qui s’est révélé bien plus rapide qu’attendu ; la « protection animale » a cédé la place à la « libération animale », qui structure les revendications autour du « bien-être animal ».

En deux décennies seulement, le statut des produits animaux s’est transformé, en particulier celui de la viande, avec une érosion progressive des niveaux de consommation de certaines espèces et une tendance, chez les jeunes générations, à « voir son steak comme un animal mort ».

Au-delà de l’assiette, la chair animale est au cœur de préoccupations sanitaires, économiques, environnementales et éthiques. En découlent la réorientation des achats vers des filières de production respectueuses du bien-être animal, le développement de régimes d’éviction totale ou partielle (vegan, végétalien, végétarien, flexitarien), etc.

La critique des protéines animales entraîne mécaniquement une revalorisation des protéines végétales et autres alternatives à la viande, qui revêtent une image santé. Inversement, toujours au nom de la nature, d’autres producteurs ou mangeurs répondent aux critiques adressées à la viande en accentuant leur « carnivorisme ».

En parallèle, on assiste au renforcement de la consommation de produits alimentaires « naturels » ou se présentant comme tels : recherche de produits bruts ou peu transformés, disposant de labels garantis par des démarches publiques ou privées (agriculture biologique, commerce équitable, impact environnemental réduit, bien-être animal, etc.).

Source : Alim’Agri.

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