La biodisponibilité des protéines végétales comparée à celle des protéines animales (Article de synthèse)

La transition vers un rééquilibrage protéique végétal-animal devra prendre en compte la biodisponibilité des protéines et les paramètres qui l’influencent, comme l’a expliqué Claire Gaudichon, chercheur à l’INRA-AgroParisTech, à l’occasion des Journées Francophones de Nutrition. 

À l’occasion des dernières Journées Francophones de Nutrition, Claire Gaudichon, chercheur à l’INRA-AgroParisTech, a présenté les facteurs pouvant affecter la biodisponibilité des protéines végétales et animales. Un élément essentiel à considérer pour accompagner les évolutions en matière de consommations protéiques. Pour cela, l’experte s’est arrêtée sur plusieurs aspects.

 Qu’est-ce que la biodisponibilité ?

À commencer par un rappel de la notion de biodisponibilité. Celle-ci représente la capacité des protéines à fournir réellement tous les acides aminés nécessaires pour les synthèses protéiques corporelles. Elle dépend de la quantité des acides aminés dans les protéines ingérées mais aussi des pertes digestives (5-15 %) et métaboliques (15-30 %).

 Des méthodes de calcul complexes et variables

La biodisponibilité des protéines est très complexe à déterminer car elle nécessite des prélèvements au niveau de l’iléum (très invasifs), la prise en compte des pertes protéiques digestives endogènes, et doit être mesurée dans l’idéal chez l’homme et non chez le rat comme couramment réalisé. À cela, s’ajoute le choix du score de qualité protéique. Depuis 2011, la FAO recommande de privilégier le DIAAS1, un score plus précis car il prend en compte la digestibilité individuelle des acides aminés (il est donc plus complexe à calculer) par rapport au PDCCAS2 plus classique et qui se limite à la digestibilité globale de chaque protéine. « Les valeurs de qualité protéique indiquées dans la littérature doivent donc être comparées avec précaution », alerte Claire Gaudichon.

 Évolution des consommations protéiques : des éléments clés à considérer

  •  Des habitudes de consommation focalisées sur les protéines animales

Les sources protéiques consommées dans le monde sont majoritairement animales. Elles représentent 70 % des protéines totales consommées en Amérique du Nord, 59 % en Europe, 58 % en Océanie et 57 % en Russie. Seules quelques régions du monde présentent des apports en protéines végétales supérieurs à ceux d’origine animale (Amérique du Sud, Asie et Afrique) mais elles se trouvent en situation d’insécurité protéique en raison d’apports protéiques globaux limités et de protéines végétales de qualité insuffisante. « Une insécurité protéique qui reste très marginale dans les pays développés et qui ne concerne que les sujets s’imposant des régimes d’exclusions », précise Claire Gaudichon.

La répartition actuelle entre les protéines animales et les protéines végétales semble difficilement tenable sur le long terme en raison des tensions qu’elle créée sur les ressources et sur l’environnement. À ceci s’ajoutent les recommandations de santé, qui visent un rééquilibrage des sources protéiques en faveur d’un ratio de 50 % de protéines végétales et 50 % de protéines animales consommées.

  • Des sources végétales moins riches en protéines et en acides aminés indispensables

Les sources alimentaires les plus riches en protéines sont les produits animaux (plus de 21 g de protéines / 100 g pour les viandes et plus de 17 g / 100 g pour les crustacés, poissons et fromages), suivis des fruits à coques (17,3 g / 100 g) et des légumineuses (dont la teneur en protéines n’est que de 9 g / 100 g3). Quant à la teneur en acides aminés indispensables, elle s’avère aussi supérieure dans les protéines animales (> 40 % des protéines totales) comparées aux protéines végétales ( < 40 %). La biodisponibilité des protéines végétales est donc inférieure à celle des protéines animales.

  • Un effet de la matrice alimentaire à prendre en compte

La matrice alimentaire, les composés associés aux protéines dans celle-ci et les traitements technologiques appliqués aux aliments ont aussi un impact sur la biodisponibilité digestive des protéines. Ainsi, les isolats et concentrats de protéines végétales ont en général une digestibilité moyenne supérieure à celles des protéines végétales dans leur matrice naturelle, qui les rend proches (isolats de soja, lupin, tournesol) de celle des protéines animales. La combinaison de sources protéiques (pâtes au blé et fèves) peut aussi rendre les protéines végétales plus digestibles en modifiant la matrice alimentaire et notamment le réseau protéique.

À l’inverse, des facteurs antinutritionnels comme les tannins réduisent la digestibilité des protéines, qu’elles soient végétales ou animales. À noter : la variabilité inter-individuelle de digestibilité est importante face à des protéines peu digestes.

Enfin, les traitements thermiques peuvent modifier la digestibilité protéique comme cela est le cas des viandes très cuites, des pâtes alimentaires séchées à 90°C ou du lait traité à Ultra Hautes Températures.

Claire Gaudichon conclut que la biodisponibilité des protéines varie selon de nombreux paramètres (source des protéines, composition en acides aminés, matrice alimentaire, traitements technologiques, composés associés, différences inter-individuelles…) et qu’elle peut constituer un élément critique chez des personnes dont l’apport protéique est insuffisant en quantité et en qualité (petits mangeurs, personnes avec un régime de restriction ou d’exclusion, personnes âgées, etc.).

1 score de digestibilité des acides aminés indispensables

2 score de digestibilité de la protéine corrigé par l’indice chimique

3 Les teneurs en protéines des légumineuses avant cuisson sont plus élevées (25 g / 100 g) mais ce taux diminue fortement à la cuisson en raison du gonflement dans l’eau.

Source : Journées francophones de nutrition

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