Transition alimentaire : l’Académie d’agriculture de France propose 9 actions pour y répondre (Article de synthèse)

Pour l’Académie d’agriculture de France, la 5e transition alimentaire est enclenchée et les filières et territoires vont devoir s’adapter. D’où les neuf propositions d’actions qu’elle formule dans un rapport publié en octobre 2019, fruit de deux années de travail et de sept auditions d’experts

Selon le rapport publié en octobre 2019 par l’Académie d’agriculture de France, une 5e transition alimentaire est en marche. Après l’utilisation du feu (- 400 000 ans), la domestication il y a 12 000 ans, la division du travail entre agriculteurs et commerçants lors de l’essor de grandes cités comme Babylone il y a 5 000 ans, puis l’industrialisation et l’intégration des marchés (19e siècle en Amérique du Nord, 20e siècle en Europe), l’heure est à la qualité : « La transition en cours est marquée par une demande de qualité élargie de notre alimentation, à la fois sanitaire, organoleptique, nutritionnelle, environnementale et culturelle. L’engouement pour les produits bio et locaux ou pour les applications numériques de diagnostic nutritionnel, la lente diminution de la consommation de viande au profit des protéines végétales, en sont aujourd’hui les manifestations les plus visibles. »

 Sobriété et triple performance

La filière et les territoires vont donc devoir s’adapter. Selon le rapport, tout comme pour la transition énergétique et la transition écologique, les innovations de la transition alimentaire doivent mobiliser deux leviers : celui de la « sobriété » et celui de la « performance » avec une dimension triple, à la fois sociale, environnementale et économique.

En agriculture, l’innovation majeure viendrait de l’agroécologie : le couvert végétal (associations et rotations intégrant davantage de légumineuses, avec extensification des élevages bovins) s’avère positif tant en termes de bilan carbone que pour restaurer la fertilité des sols.

En logistique et commercialisation (1 camion sur 3 transporte des denrées alimentaires), les préoccupations environnementales (GES), économiques (répartition de la valeur entre agents des filières) et sociales (traçabilité et transparence des informations sur les produits et leur mode de fabrication, lutte contre la précarité alimentaire) pourraient stimuler des systèmes alimentaires alternatifs : vente directe à la ferme, drives fermiers, plateformes d’approvisionnement en produits locaux, circuits courts de vente aux consommateurs, etc. En outre, les signes de qualité s’imposent de plus en plus, qu’il s’agisse de labels publics ou de signes officiels de la qualité et de l’origine (Label Rouge en France, AOP, IGP, label Bio, popularité croissante du NutriScore) ou encore de labels privés (Bleu-Blanc-Cœur, « Fairtrade-Max Havelaar »).

 Neuf recommandations

Selon les signataires du rapport, « le diagnostic de nos systèmes alimentaires contemporains est préoccupant, car il pointe une double menace sur la santé humaine et sur celle des écosystèmes. La prospective qui en découle conduit à privilégier un nouveau cap vers une alimentation durable, responsable et équitable qui doit se matérialiser par une intervention soutenue des pouvoirs publics à tous les niveaux : local (territoires), national (État) et européen (UE) ». Pour construire une telle politique de l’alimentation durable, le groupe de travail recommande neuf actions :

  1. 1/ L’élaboration d’une stratégie nationale agricole et alimentaire à l’horizon 2030 (SAA 2030) en consultant les représentants de l’ensemble des acteurs des systèmes alimentaires, du champ à l’assiette, dans un objectif de santé humaine et environnementale, avec une coordination interministérielle.
  2. 2/ Une réduction de la précarité alimentaire, en rénovant le dispositif de l’aide alimentaire.
  3. 3/ Un dispositif transversal de gouvernance alimentaire au sein des collectivités locales, coordonné par l’État.
  4. 4/ Une plateforme collaborative numérique de partage de savoirs entre acteurs recensant les initiatives pour une alimentation responsable et durable, et gérant un forum de discussion et de mise en relation. Objectifs : la mutualisation de savoirs et de moyens et l’émergence de projets collectifs entre professionnels des filières et société civile.
  5. 5/ Un redéploiement des ressources dans le dispositif public et privé de Recherche et Développement, avec une refonte des programmes de recherche et un soutien à la dissémination des innovations en ciblant les producteurs agricoles et les PME/TPE agroalimentaires et commerciales. Priorité sera donnée aux projets de durabilité alimentaire.
  6. 6/ Une intégration du thème de l’alimentation durable dans les programmes d’enseignement et de formation professionnelle visant à mieux appréhender la notion de « double santé » (homme et nature) et le lien entre consommateurs, filières et territoires.
  7. 7/ Une information objective, transparente et efficace des consommateurs par une communication générique multimédia et des labels, financée par une taxe sur la publicité commerciale.
  8. 8/ Un ensemble cohérent d’incitations financières conditionnées à l’objectif de durabilité (fiscalité et aides aux investissements matériels et immatériels) et un dispositif public de contrôle efficace. Une double fiscalité est suggérée : incitative (taux préférentiel de TVA pour les produits locaux de bonne qualité nutritionnelle) et dissuasive (taux élevé de TVA ou taxes spécifiques pour les produits à impact négatif avéré sur la santé humaine et environnementale et l’emploi).
  9. 9/ Une révision de la coopération internationale Afrique-Méditerranée-Europe, avec trois priorités : un rapprochement entre systèmes alimentaires territorialisés ; des échanges commerciaux contractualisés pour garantir une sécurité alimentaire macro-régionale ; une action politique pour réduire les distorsions de concurrence (taille des entreprises, dumping social).

Source : Académie de l’agriculture de France.

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