Populations aux besoins nutritionnels spécifiques : les nouveaux repères alimentaires de l’Anses (Analyse)

Deux ans après les repères alimentaires pour la population adulte, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publie des repères adaptés aux besoins nutritionnels spécifiques des enfants, femmes enceintes et allaitantes, et personnes âgées. Tour d’horizon des principales conclusions.

Début 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a publié des repères alimentaires pour la population générale adulte. Compte tenu de leurs spécificités physiologiques, quatre populations spécifiques – jeunes enfants, enfants et adolescents, femmes enceintes et allaitantes et personnes âgées – font aujourd’hui l’objet de quatre nouveaux avis de l’Agence, proposant des repères alimentaires adaptés à leurs besoins. Le principe général de la démarche ? S’appuyer sur les recommandations antérieures émises pour la population adulte, en modulant les volumes alimentaires au pro rata des besoins énergétiques des différentes populations. En complément, il est préconisé de jouer sur les portions pour augmenter les consommations de certaines catégories d’aliments vecteurs de nutriments dont les apports sont insuffisants pour certaines populations ou bien au contraire de réduire d’autres catégories d’aliments vecteurs de nutriments consommés en excès.

Jeunes enfants (0-3 ans) : un bon départ dans la vie grâce à la diversification

Seuls les enfants de moins de 3 ans ont dérogé à cette démarche, compte tenu des spécificités de leur alimentation. Au cours des premiers mois de vie, le nourrisson passe en effet d’une alimentation exclusivement lactée à une alimentation diversifiée, se rapprochant progressivement de celle de la table familiale. Cette période de transition constitue une vraie fenêtre d’opportunités pour la santé présente et future de l’individu, sous réserve de quelques précautions. Notamment, rappelle l’Anses, la diversification ne doit jamais débuter avant 4 mois (en raison de l’immaturité digestive et des risques infectieux et allergiques importants au cours des premiers mois de vie), ni après 6 mois (du fait des besoins liés à la croissance). Il est recommandé de présenter un maximum d’aliments variés entre 5 et 18 mois, car il s’agit d’une période favorable à leur acceptation. Celle-ci peut d’ailleurs être facilitée par des présentations réitérées en cas de refus initial, ainsi que par des activités permettant à l’enfant de se familiariser avec les aliments (toucher, cuisine, jardinage, etc.). Enfin, l’accent est mis sur le respect des sensations de faim et de satiété de l’enfant, sans oublier l’importance à accorder aux moments des repas (contexte serein et sans distraction).

Enfants et adolescents : haro sur les sucres

Chez les enfants et adolescents, un régime alimentaire établi selon les repères de l’adulte ramenés à la ration énergétique de chaque tranche d’âge est susceptible de couvrir les besoins nutritionnels des différentes tranches d’âge, à quelques exceptions près : la vitamine D, le fer chez les 7-10 ans et le calcium chez les filles ; trois nutriments essentiels pour assurer une croissance optimale. Ainsi, pour favoriser la synthèse endogène de vitamine D, une activité physique de plein air est recommandée. Pour assurer la couverture des besoins en fer, l’Anses préconise des tailles de portions proches de celles consommées par les adultes pour les aliments du groupe « Viandes Poissons Œufs ».  De même pour le calcium et les produits laitiers.

S’il existe des risques d’insuffisance pour certains nutriments, d’autres sont au contraire à limiter car consommés en excès. L’Anses alerte ainsi sur les apports excessifs en sucres chez cette population et appelle les pouvoirs publics à mettre d’urgence en place des mesures. Et de pointer que les boissons sucrées, pâtisseries, biscuits et gâteaux gagneraient à être remplacés par des aliments de meilleure densité nutritionnelle, tels que les produits laitiers, fruits frais et fruits à coques.

Femmes enceintes et allaitantes : des vitamines et minéraux critiques

Du côté des femmes enceintes et allaitantes, plusieurs nutriments sont à risque d’insuffisances d’apports au regard des besoins augmentés pendant cette période : fer, iode, et vitamine B9, et vitamines A et C en sus chez les femmes allaitantes. Selon l’Anses, la couverture de ces besoins nutritionnels peut être assurée en accentuant la consommation d’aliments sources de ces nutriments – et à travers le suivi du statut en iode chez les femmes enceintes et allaitantes (en complément des mesures existantes pour la vitamine B9 et le fer) : « Les légumes et légumineuses sont riches en vitamine B9 ; les poissons gras, le jaune d’œuf et les produits laitiers sont sources d’iode ; certaines viandes, poissons et fruits de mer sont riches en fer ».  Les données épidémiologiques montrent par ailleurs le rôle bénéfique, lors de la grossesse et de l’allaitement, des consommations de fruits et légumes, produits laitiers et poissons. Les repères alimentaires pour cette population insistent ainsi sur l’importance de la consommation de ces trois groupes d’aliments.

Personnes âgées : maintenir les apports énergétiques grâce à l’activité physique

Des recommandations sont enfin émises pour les personnes âgées. Principale particularité de cette population : des besoins énergétiques qui chutent en lien avec la diminution du métabolisme de base, ce qui rend difficile la couverture des besoins en certains nutriments, notamment la vitamine D, l’EPA-DHA, l’iode et le zinc, ainsi que la vitamine C et le fer chez les femmes.

Pour pallier les risques d’apports insuffisants, l’Anses souligne les bénéfices de l’activité physique, qui, en maintenant le niveau de besoin énergétique élevé, permet non seulement de consommer des quantités d’aliments équivalentes à celles des adultes plus jeunes, mais aussi de participer à la prévention de certaines maladies liées au vieillissement, en particulier la sarcopénie (en lien avec un apport protéique adéquat), l’ostéoporose et le déclin cognitif.

Ces repères constituent les fondements scientifiques sur lesquels s’appuieront le Haut Conseil de la santé publique et Santé publique France pour bâtir les politiques et recommandations de santé publique en matière d’alimentation, et en particulier les messages sanitaires adaptés à chaque catégorie de population.

Risques chimiques et microbiologiques : quelles préconisations pour les limiter ?

  • De façon complémentaire aux aspects nutritionnels, l’Anses émet des recommandations pour prévenir les risques de toxi-infection alimentaire. Certains aliments crus d’origine animale, comme les viandes crues ou peu cuites, le lait cru et les fromages au lait cru (à l’exception des fromages à pâte pressée cuite), ou encore les poissons crus, sont ainsi à éviter chez les femmes enceintes et allaitantes, les personnes âgées, et les enfants de moins de 10 ans.
  • Pour limiter l’exposition aux substances chimiques contaminant les aliments, il est déconseillé aux femmes enceintes et allaitantes et aux jeunes enfants (> 3 ans) de consommer certaines espèces de poissons particulièrement contaminés par le mercure (espadon, lamproie… – liste complète des espèces consultable sur le site de l’Anses).
  • Enfin, d’autres aliments sont à limiter du fait de leurs teneurs en certaines substances : pendant la grossesse ou l’allaitement notamment, la consommation de margarines enrichies en phytostérols est déconseillée. De même, il est recommandé de ne pas consommer plus d’un aliment à base de soja par jour pour ne pas dépasser 1mg/kg/j de phyto-œstrogènes. Chez les enfants, il est également recommandé de limiter la consommation de certains aliments tels que le chocolat du fait des expositions au nickel ou les produits à base de soja en raison des expositions aux isoflavones.

Source : Anses.