Nouvelles exigences règlementaires en matière de protection animale : risques et opportunités pour les abattoirs français selon l’INRA (Article de synthèse)

Les abattoirs français sont confrontés à la multiplication des normes d’hygiène et, plus récemment, de protection animale. Ces exigences réglementaires ont tendance à fragiliser les petites structures. Mais face à une demande croissante en produits locaux et respect du bien-être animal, ces dernières pourraient tirer leur épingle du jeu.  

La mise en œuvre du règlement européen de protection animale en abattoir n°1099/2009 exige des travaux de rénovation et accentue la fragilité socioéconomique des petits établissements. Cependant, une étude menée par des chercheurs de l’Inra montre que les petites structures pourraient bénéficier d’un avantage sur les plus grandes, à condition d’être soutenues sur le plan financier.

Du XIXe siècle à aujourd’hui : industrialisation des abattoirs français

En France, les premiers abattoirs municipaux ont été créés au XIXe siècle, sur injonction des pouvoirs publics, afin d’améliorer les conditions d’hygiène. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les politiques de modernisation de l’agriculture visant à accroître la productivité obligent les abattoirs à se moderniser, pour faire face à l’accroissement du nombre d’animaux tués. L’exode rural, l’automatisation de la production et le développement des grandes surfaces favorisent la concentration des abattages dans de grandes structures, mieux armées pour faire face à la multiplication des normes sanitaires, et dont la gestion est progressivement déléguée au secteur privé.

A partir des années 70, les crises économiques et sanitaires érodent la consommation de viande, fragilisant davantage les petits abattoirs : alors que les structures municipales produisaient 62 % du tonnage abattu dans les années 80, ce chiffre avait chuté à 8 % en 2009 (1).

Règlement européen de protection animale en abattoir

Dans les années 1990, la crise de la vache folle contraint les abattoirs à adopter un plan de maitrise sanitaire basé sur la méthode anglo-saxonne HACCP (Hazard Analysis Critical Control Points), visant à anticiper et neutraliser les risques sanitaires tout au long du processus d’abattage. Parallèlement à ces exigences hygiéniques, la problématique du bien-être animal gagne en visibilité et pousse les législations à évoluer.

Le règlement européen 1099/2009, en vigueur depuis janvier 2013 en France, oblige les abattoirs à formaliser les mesures visant à identifier et supprimer les risques de souffrance animale lors de l’abattage. En 2014, des chercheurs de l’Inra ont enquêté dans une vingtaine d’abattoirs afin de comprendre les implications de ce règlement pour les grands établissements privés et les petites structures publiques dont une partie des résultats est synthétisée ci-après.

Impact des nouvelles réglementations sur les abattoirs français

Ce dernier règlement exige des locaux minimisant le risque de blessures pour les animaux. Les petits abattoirs municipaux visités au cours de l’enquête, bâtis dans les années 60 et non rénovés depuis, souffraient d’une conception ancienne et mal adaptée (taille des couloirs, des logettes, quais trop inclinés, sols glissants…). A contrario, les sites privés audités avaient tous été rénovés et bénéficiaient de quais adaptés, de sols rainurés et d’équipements automatisés garantissant une meilleure fluidité de la production et une plus grande sécurité pour les bêtes et les opérateurs.

Ce règlement impose également de nommer un responsable de la protection animale dans l’abattoir, chargé de rédiger des procédures et de les faire appliquer. Dans les grandes structures, l’hyperspécialisation des tâches (jusqu’à cinq opérateurs pour la mise à mort entre l’acheminement des animaux et la saignée) et la distance séparant les lignes des bureaux des responsables qualité nécessitent de réfléchir à une diffusion organisée des bonnes pratiques de manière à couvrir l’ensemble de la chaîne.

Enfin, ce texte demande de tenir compte du « point de vue » de l’animal. Cette exigence valorise le travail polyvalent du bouvier qui, au contact permanent du bétail, joue un rôle crucial dans l’identification précoce des signes de souffrance animale dans les petits établissements.

Conclusion : des opportunités pour les petites structures

En conclusion, les auteurs de cet article soulignent que « de la même manière que les normes d’hygiène, la mise en conformité avec les règles de protection animale pourrait poursuivre la dynamique de fermeture des établissements les plus fragiles et de récupération des tonnages par les grands abattoirs privés ». Un phénomène regrettable, selon les auteurs de l’étude, car une telle concentration signifie davantage de temps de transport pour les bêtes et donc davantage de stress et d’inconfort. Les auteurs estiment donc que, dans ce contexte, les petits abattoirs peuvent retrouver un rôle majeur dans le développement de projets alimentaires territoriaux, dans des circuits courts valorisant le bien-être animal via notamment la réduction du temps de transport. Citons par exemple le cas d’un projet initié par un groupe d’éleveurs en partenariat notamment avec des spécialistes du bien-être animal et en passe de voir le jour dans la Creuse. Et les auteurs de conclure qu’« une telle plus-value ne peut être effective qu’à condition que ces petits sites soient soutenus sur les plans financiers et organisationnels ».

(1) Ravaux X. 2011. Filière abattoir : Synthèse des études et données économiques et sanitaires disponibles fin 2010. Partie 1 économie, CGAAER, rapport n°10227, Paris.

Référence : Jourdan F et Hochereau F. La mise en application d’un règlement de protection animale au regard de la structuration des abattoirs français. Anthropology of food, 26 April 2019, S13.

À voir aussi