Discussions autour de l’abattage sans étourdissement (Article de synthèse)

L’abattage sans étourdissement était au cœur des discussions d’un colloque organisé le 24 janvier dernier à Paris, à la représentation permanente du Parlement européen. Le Point Vétérinaire en a relayé les principaux messages, dont voici un résumé.

Le 24 janvier dernier, deux organisations de protection animale – l’Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) et la Fondation Brigitte-Bardot – ont réuni les différents acteurs concernés pour réfléchir à un « compromis acceptable » en France sur l’abattage sans étourdissement. Rappelons que cette pratique est autorisée dans l’hexagone depuis le 1er octobre 1980 dans le cadre dérogatoire d’un abattage rituel. Cependant, « cette pratique pose un problème d’un point de vue éthique depuis plusieurs années, pour de nombreux acteurs « , souligne l’article.

Les derniers travaux de recherche sur la conscience animale ont été présentés à cette occasion. Pierre Le Neindre, docteur en éthologie et chercheur à l’Inra, a d’abord rappelé combien « cette notion complexe et propre à chaque espèce est difficile à évaluer, et plus encore dans les conditions de l’abattoir« . L’état d’inconscience préalable à la mort permet alors d’éviter tout risque de souffrance.

L’étourdissement : une étape cruciale chez les bovins

Claudia Terlouw, chercheure à l’Inra, a ensuite présenté les techniques d’étourdissement pour les bovins. « L’espèce bovine présente certaines spécificités physiologiques qui vont de pair avec une souffrance animale persistante si l’animal est abattu sans étourdissement préalable« , complétait Marylène Nau, Inspectrice générale de santé publique vétérinaire (ISPV) honoraire. C’est pourquoi de nombreuses associations de protection animale ont récemment renouvelé leur demande de suppression de la dérogation autorisant l’abattage sans étourdissement.

La position d’Interbev sur le sujet

A l’occasion de ce colloque, Audrey Lebrun, chargée de mission protection animale à Interbev, a ainsi précisé que la filière est favorable à la généralisation de l’étourdissement à toutes formes d’abattage, à condition que les modalités de mise en œuvre soient entérinées par l’État et les cultes. Et de rappeler, en outre,  qu’il n’y a pas d’intérêt technico-économique pour les opérateurs de la filière à ne pas faire d’étourdissement.

Des alternatives existent

Laurent Perrin, représentant du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), relayait la position de la profession vétérinaire libérale, demandant une stricte application de la dérogation à l’étourdissement dans le cadre exclusif de l’abattage rituel, le recours à des méthodes permettant de mettre un terme à la souffrance animale comme le soulagement post-jugulation, ou encore un étiquetage sur le mode d’abattage

Ghislaine Jançon, membre du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), affichait quant à elle la revendication officielle de l’Ordre, d’imposer un étourdissement avant la saignée.

Michel Courat, expert européen en bien-être animal, a ensuite présenté les différentes approches de l’abattage des animaux en Europe, allant de l’interdiction de l’abattage sans étourdissement dans certains pays (Belgique, Islande, Suède, Norvège, Danemark, Suisse, Slovénie, Bavière, Liechtenstein…), à l’obligation d’un soulagement (Autriche, Grèce, Finlande, Lettonie, Slovaquie), ou encore à l’absence d’exigences particulières (France, Italie, Espagne, Portugal, RU, Irlande, Luxembourg, Pologne, Lituanie, République Tchèque, Hongrie, Chypre…)

Un sujet sensible

« Néanmoins, ce sujet est extrêmement sensible et délicat, car les enjeux financiers des filières viande hallal et casher sont colossaux« , souligne l’article. Et de rapporter que d’après le porte-parole du représentant du culte musulman Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée, « il revient à l’État de légiférer sur la question« . Tandis que pour Liliane Vana, docteur es sciences des religions, spécialiste en droit hébraïque, « il conviendra de respecter les limites de la loi religieuse avant de voir si certains changements sont possibles« .

Des perspectives de changements

Les mesures politiques tardent toutefois à venir, même si, à l’orée de nouvelles élections européennes, les espoirs de changement sont réels.

Et l’article de conclure en rapportant les termes de Pascal Durand, député européen à l’initiative de ce colloque : « Il est probable qu’à terme, l’abattage sans étourdissement soit interdit en France, mais cela prendra du temps et se fera avec beaucoup de souffrances. Faisons en sorte qu’un dialogue émerge pour éviter encore une fois que la souffrance ne soit la dernière courroie d’une lutte entre loi laïque et religieuse. »

Sources : Le Point Vétérinaire et La dépêche vétérinaire