Antibiorésistance : les académies donnent leurs recommandations (Article de synthèse)

A l’issue de trois colloques dédiés à l’antibiorésistance à Paris en février 2019, les experts de six académies (sciences, agriculture, médecine, vétérinaire, pharmacie, chirurgie dentaire) ont listé les mesures à adopter et les pistes de recherche à explorer, afin de limiter ce phénomène qui menace la santé humaine et animale dans le monde entier.

Une menace mondiale pour la santé humaine et animale. Voici ce que représente aujourd’hui les antibiotiques, malgré l’avancée thérapeutique majeure qu’ils ont constitué suite à leur découverte au début du 20e siècle. En cause ? Le développement de bactéries résistantes après des décennies d’utilisation. Un phénomène qui repose sur la sélection naturelle de bactéries capables d’acquérir des gènes de résistance aux antibiotiques, en cas de traitements inappropriés.

Une menace mondiale

Alors que des prévisions suggèrent que l’antibiorésistance pourrait engendrer 10 millions de décès par an à travers le monde d’ici 2050, l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) estime qu’elle a causé 12 500 décès en France en 2018. L’augmentation des mouvements d’êtres humains, d’animaux ou de matières premières potentiellement contaminés favorise la transmission inter-espèces et l’essaimage de bactéries résistantes d’un bout à l’autre de la planète, rendant indispensable une approche globale du problème.

Renforcer les mesures préventives et harmoniser la réglementation

Au cours de trois colloques dédiés à l’antibiorésistance à Paris en février 2019, les représentants de six académies françaises ont rappelé les mesures simples pour prévenir le développement de résistances en santé humaine et animale : hygiène, antisepsie, biosécurité en élevage, gestion zootechnique… Yves Buisson, membre de l’académie de Médecine, a également souligné l’importance et le succès des vaccins dans la lutte contre les infections bactériennes. Certains kits diagnostiques, permettant de distinguer les infections virales et bactériennes, constituent un autre moyen d’éviter les traitements antibiotiques inutiles.

En élevage, les effluents peuvent être contaminés par des bactéries résistantes excrétées dans les fèces des animaux. Les experts préconisent le compostage des fumiers avant épandage, afin de diminuer la quantité de bactéries présentes.

Sur le plan réglementaire, la lutte contre l’antibiorésistance au niveau mondial nécessite l’harmonisation des normes sanitaires entre pays exportateurs d’animaux, d’aliments ou de matières premières potentiellement vecteurs de bactéries résistantes. La délivrance d’antibiotiques sur internet doit également être réprimée.

Les pistes de recherche à explorer

Lors de leurs interventions, les experts ont préconisé l’implication conjointe des pouvoirs publics et des groupes pharmaceutiques afin de promouvoir les innovations thérapeutiques.

Les peptides antimicrobiens constituent une piste de recherche prometteuse. Ces protéines du système immunitaire, naturellement présentes chez tous les organismes vivants, possèdent une activité antibiotique et entrent déjà dans la composition de certains traitements locaux. La phagothérapie, basée sur des virus « bactériophages » prédateurs de bactéries, représente une autre perspective encourageante. Enfin, les traitements alternatifs à base de miel ou d’huiles essentielles doivent également faire l’objet de plus vastes études, alors que la sélection d’animaux génétiquement résistants aux infections bactériennes ouvre d’autres perspectives.

S’inspirer du modèle vétérinaire avec le Plan Ecoantibio

D’après Arlette Laval, membre de l’académie d’Agriculture, le plan Ecoantibio, lancé en France en 2012, constitue un exemple de mobilisation réussie contre l’antibiorésistance en santé animale. Piloté par le ministère de l’agriculture, il visait une réduction de la consommation d’antibiotiques chez les animaux de 25 % sur cinq ans. Au cœur du dispositif : une vaste campagne d’information à destination des vétérinaires (diffusion de fiches de recommandation pour la prescription d’antibiotiques) et des éleveurs (guides de bonnes pratiques), associée à des restrictions sur l’usage des antibiotiques critiques.

Résultat : la mobilisation de toutes les parties prenantes a permis de réduire l’exposition des animaux aux antibiotiques de 39 % entre 2011 et 2017 toutes filières confondues, tout en diminuant de plus de 40 % les dépenses de santé animale (pour en savoir plus, voir article « Plan Ecoantibio : où en est la France dans sa lutte contre l’antibiorésistance en médecine vétérinaire ? »).

En conclusion : les recommandations des académies

La lutte contre l’antibiorésistance exige une collaboration entre différents domaines, ainsi que l’implication des pouvoirs publics et des acteurs privés. Respecter les règles d’hygiène et d’utilisation des antibiotiques ainsi que les bonnes pratiques d’élevage, renforcer les capacités de diagnostic, promouvoir la vaccination, favoriser l’innovation thérapeutique et harmoniser les réglementations internationales…Un vaste programme à la mesure de cet enjeu mondial.

Source : Académie d’Agriculture.

Article 15/17 du dossier "L’antibiorésistance des bactéries d’origine animale"

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